Service Public, Santé… et Hôpital : grève le 5 Mars ?

L’hôpital va mal.
Et le malade devrait être soigné par la loi Hôpital, patients, santé et territoires… si elle est adoptée !
Ce qui est à craindre…

Lequel hôpital n’est bien sûr qu’un des pivots du système de santé à la française, que d’aucuns nous ont pendant longtemps envié.
Mais il est aussi emblématique de celui-ci, et de ce que fut sa philosophie : un égal accès aux soins pour tous.
Cette proposition n’est d’ailleurs pas tout à fait exacte, car il a toujours existé un réseau privé, cohabitant avec le public, et qui lui n’était pas forcément accessible à tous.
On pourrait élargir la réflexion aux mutuelles, qui à tarif équivalent ne proposent pas les mêmes couvertures selon qu’elles sont par exemple personnelles ou d’entreprises.
Et bien sûr aux dépassements d’honoraires, qui, s’ils connaissent une forte croissance, ont toujours existé.
Mais bref, tout ça pour dire que le terme égal n’est peut-être pas le plus approprié. Reste que chaque citoyen pouvait prétendre à des soins de qualité, quel que soit son niveau de vie.

On le sait, cette équité est battue en brèche depuis un certain nombre d’années, via le forfait hospitalier, les déremboursements de médicaments dits de confort (sans tenir en aucune façon compte des types de malades qui les utilisent), et enfin aux franchises médicales.
La dernière en date, mais qui n’est pas encore vraiment sortie des tiroirs, concerne l’attribution et la prise en charge des ALD (jusqu’à présent prises en charge à 100 % par les régimes obligatoires), qui a même donné prétexte à Mme Bachelot pour taxer les régimes complémentaires…

Cette équité risque de l’être encore plus (battue en brèche… donc ébréchée !) avec le projet de loi actuellement examiné à l’Assemblée Nationale, et qui fait la fierté de notre Ministre de la Santé.

Il y a pourtant de bonnes intentions dans ce texte, parmi lesquelles une meilleure coopération public-privé pour assurer la continuité des soins, ou celle de freiner la désertification médicale (en termes de médecins libéraux en particulier), ainsi, donc, que la modernisation de l’hôpital.
Les solutions et moyens proposés, quant à eux, donnent à réfléchir, et laissent dubitatifs.

L’hôpital est en effet une grosse machine, qui a ses lourdeurs, ses freins, ses incohérences. Nul doute que son fonctionnement pourrait être amélioré, et sa rentabilité optimisée.
Mais…

Son organisation est régulièrement modifiée, tourne-boulée, chamboulée, laissant ses personnels quelque peu désemparés.
C’est ainsi qu’une nouvelle réforme est donc dans les tuyaux, alors-même que la dernière en application (hôpital 2007) n’a même pas été évaluée (une idée pourtant chère à Notre Seigneur, que l’évaluation !).
Lesquelles réformes, par contre, vont dans le sens d’un contrôle accru, d’évaluations en interne, qui accroissent notablement la part du travail administratif par rapport à celui de la clinique, et conséquemment l’augmentation proportionnelle des postes de ceux-ci par rapport à ceux-là.
Avec, entre autres, pour conséquence de surcharger les secrétariats.
C’est une parenthèse, mais avez-vous eu récemment l’occasion de tenter de prendre un RDV dans un CHU… C’est un véritable parcours du combattant !
Et lesquelles (réformes) tendent toutes à réduire les coûts, sans vraiment y parvenir, mais mettent par contre réellement en péril la qualité des soins et de la prise en charges des malades… en malmenant les personnels !

Une main-mise de l’administratif, donc, qui serait entérinée dans le nouveau projet de loi, qui renforcerait ce pouvoir en augmentant ceux des directeurs et directrices, et annulerait la présence des élus locaux au Conseil d’Administration.
Cette dernière comportait sans doute des inconvénients, en termes de clientélisme, mais permettait à la représentation nationale, élue, d’avoir un regard sur les pratiques.

Mais le plus grand reproche que l’on peut faire à ce projet est celui d’instaurer un management et des objectifs de rentabilité qui se rapprochent de ceux de toute entreprise industrielle ou commerciale.
Ceux que d’aucuns dénoncent comme une marchandisation de la santé.

Outre que ce schéma remet en cause la notion même de service public, deux axes majeurs de la réforme laissent dubitatif, et interrogent au plus au point l’éthique et la déontologie :
- la T2A, ou tarification à l’activité, parce qu’elle ne peut que conduire à multiplier les actes dits rentables (aux dépens des autres, donc), et qui de fait asphyxie en termes budgétaires les hôpitaux (entre 70 et 80 % d’entre eux seraient en déficit). On veut bien croire que la fonction publique hospitalière n’ait que de mauvais gestionnaires, mais l’on ne peut s’empêcher de penser que ce déficit est en une quelconque façon voulu !
- les médecins hospitaliers pourront désormais être intéressés. Nul doute que l’intéressement ait pour vertu d’améliorer les performances, souvent à court terme (l’expérience des traders nous en donne un bon exemple !). Mais surtout, que vient faire ce terme quand il s’agit de soigner des malades, des personnes, dont la prise en charge dépasse souvent de très loin l’acte technique ???
Une prise en charge globale qui assure la qualité du soin… et sa réussite !
Un intéressement par ailleurs qui risque fort de nourrir l’esprit de concurrence, aux dépens du patient lui-même, mais surtout d’exacerber les frustrations (parce que, par exemple, les infirmières n’y auront pas accès), les conflits, des tensions, et des compétitions qui ne devraient pas avoir lieu lorsqu’il s’agit de prendre en charge un malade !
Par ailleurs, et pour en revenir à la sémantique et à la rhétorique : un médecin (ou tout autre personnel médical) est censé s’intéresser à son patient. Jusqu’où peut aller la perversion d’un système qui instaure (et institue) d’autres intérêts ?

Encore une fois, qu’il soit nécessaire d’améliorer le système de santé, et en particulier le fonctionnement des hôpitaux, je crois que personne ne peut rien avoir à y redire.
Que l’on ne mette en avant que l’augmentation des dépenses, alors que les techniques évoluent et coûtent de plus en plus cher, et que le vieillissement de la population nécessite une réflexion approfondie sur les moyens de l’accompagner, est une absurdité, voire une ineptie. Ce devrait être l’axiome de départ : « les dépenses augmentent, que fait-on ? » se transforme en pénalité pour ceux qui tentent de faire face à la situation. Je ne parle même ps de la précarisation ambiante, qui a bien sûr aussi ses conséquences !
Au lieu de cela, on culpabilise, on restreint, on étouffe… et on oublie la solidarité et le service public !
A tel point que l’on oublie aussi que si les hôpitaux sont de plus en plus surchargés, c’est aussi parce que de plus en plus nombreux sont ceux qui retardent des soins nécessaires, et tombent « vraiment » malades.
Par ailleurs, la fermeture en cours ou annoncée de nombreux services hospitaliers ne manque pas de poser question… et de nombreux hôpitaux connaissent actuellement ce qu’on appelle pudiquement des mouvements sociaux

Enfin, et pour conclure.
Je me suis livrée à une petite analyse de texte du discours de Notre Seigneur au sujet de la psychiatrie.
La même aurait été tout aussi intéressante sur le discours concernant les universitaires… mais ils l’ont très bien faite eux-mêmes !
Je ne ferai pas la même chose ici… et pourtant !!! Il y aurait matière…
Il est étonnant que le monde hospitalier n’ait pas réagi avec la même vigueur que le monde universitaire !
Tant les attaques, sous des dehors de brosse à reluire et de compassion, sont inacceptables…
Sans compter que comme, bien sûr, l’on peut faire dire aux chiffres ce que l’on veut, Notre Seigneur souligne l’augmentation des dépenses de l’ordre de 50 % entre 1998 et 2008… en oubliant de dire que le pourcentage des dépenses liées à l’hôpital, dans cette même période, ont continué à représenter moins de 40 % des dépenses globales… et que cette proportion est en baisse constante !
Quelques citations :
En 2006, la France assurait 4.2% des découvertes mondiales en recherche biomédicale, c’était 6.7% pour l’Allemagne et 8.6% pour le Royaume-Uni. [...] Décidément, nos chercheurs de tous ordres sont vraiment nuls !
Comment va-t-on sortir du jeu des pouvoirs et contre-pouvoirs qui affaiblissent le CHU ? [...] Affaiblissent ? Il est vrai que les contre-pouvoirs…
à l’hôpital tout le monde a le pouvoir de dire non et personne n’a le pouvoir de dire oui [...]. Il sort ça d’où, notre président ? Du CDHF (Collectif des Directeurs Hospitaliers Frustrés) ? Ce qui est certain par contre, c’est qu’il n’y a guère de place pour la concertation, et la décision prise en toute connaissance des réalités du terrain… Quant aux décisions prises en solo, plus ou moins justifiées, et en tout cas sans concertation, il en sait quelque chose !
L’hôpital est un concentré de la Nation. …ça promet !

En tout cas, et avant le 19 Mars, une intersyndicale appelle à la mobilisation et à la grève le 5 Mars 2009, pour une défense du système de santé, de l’hôpital et du service public de santé.

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Lire ailleurs :
¤ Projet de loi « Hôpital, patients, santé et territoires »
¤ “La droite tue le service public à l’hôpital” – Le Post
¤ 2009, année de réforme de l’hôpital – Agoravox
¤ Santé – Jusqu’où ira la dégradation de l’hôpital public ? – Résistance Inventerre
¤ Opération vérité sur la rémunération des médecins hospitaliers et libéraux – PS Ile de Ré
¤ lettre d’un député a l’associationEnsemble pour une Santé Solidaire
¤ et pour le « fun » : Bachelot ou l’Hôpital qui se fout de la Charité – C Politic

Lire ici :
¤ Nouvelles de la Psychiatrie…
¤ Transmission du témoignage réaliste d’une Infirmière
¤ «Santé : les usagers perdent au grattage et au tirage»
¤ Psychiatrie et enfermement : épistémologie, réforme… rhétorique et concertation
¤ Un système de santé viable ?
¤ Sauver l’hôpital public – appel
¤ La Culture du Résultat dans la Fonction Publique
¤ Carte hospitalière : vers des déserts médicaux ?
¤ Hôpital de proximité : une espèce en voie de disparition ?
¤ et les tags : hôpitalfranchises médicalesdémocratiemaladieRGPP
¤ et, bien sûr, l’Appel des Appels

Voir, lire et écouter :
¤ discours Nicolas Sarkozy à Stasbourg – santé et hôpital – 9 Janvier 2009 :
–> fichier PDF
–> vidéo

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¤ Propos et témoignages recueillis par Hervé Pauchon (c’est en brut, mais c’est à écouter !) : Pauchon-hosto
5 Janvier6 Janvier7 Janvier8 Janvier12 janvier

¤ 2 invités qui posent bien les termes du débat :


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