J’ai lu, sans doute comme beaucoup, pas mal d’articles sur le « paquet fiscal » concocté par notre gouvernement, sur les recommandations de notre cher Nicolas.
Bien sûr, il y a de multiples façons de l’analyser, de le décortiquer, de l’appréhender, ce paquet cadeau bien emballé…
Un article paru dans le « Politis » du mois d’Août, signé Geneviève Azam (« Les prophéties de Mme Lagarde« ), m’a donné envie d’aller regarder de plus près le discours de Mme Chritine Lagarde, ministre de l’Economie, des Finances et de l’Emploi, prononcé mardi 10 juillet à l’Assemblée nationale, pour présenter le projet de loi en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat (TEPA, autrement et plus couramment dénommé paquet fiscal).
Un discours qui affirme des croyances tout aussi indémontrées et indémontrables que celles qu’il dénonce…
Quand l’idéologie cède la place au pragmatisme, ça donne ça:
Confiance, croissance, emploi : tels sont les trois principes qui guideront notre action. Tels sont les trois principes qui permettront à notre pays d’aller de l’avant.
Rien à dire, les ojectifs sont louables, et il ne se trouvera sans doute personne pour les contester…
Le projet de loi que je défendrai devant vous doit ainsi mettre en œuvre une véritable politique du travail.
Une « politique du travail », ce paquet fiscal ? Ah,bon…
Cette loi est faite pour que le travail n’exclue personne. Pour que le travail paye. Pour que le travail ne laisse jamais un goût amer, l’impression d’avoir été fait en vain.
Les exclus du travail, et ceux qui se précipitent devant la TV pour oublier leur journée de boulot apprécieront… et RDV dans quelques années pour les résultats !
Durant ces derniers mois, que nous ont dit les Français? Qu’ils voulaient non pas des rentes aléatoires, mais un salaire mérité.
Un « salaire mérité », et à la hauteur de leurs efforts et de leur productivité (l’une des meilleures du monde, paraît-il) ?
La loi des trente-cinq heures est l’ultime expression de cette tendance historique à considérer le travail comme une servitude.
Comment ne pas voir quels préjugés aristocratiques recouvre une telle conception ?
Des « préjugés aristocratiques » (le terme fait tout de même sourire !) contre les préjugés de la valeur travail… ou celle de la valeur argent ? Faudrait-il entendre que les 2 sont équivalentes ?
Et de citer Alexis de Tocqueville: Dans son livre indémodable, De la démocratie en Amérique, il oppose l’oisiveté honorée par les sociétés aristocratiques, au travail considéré comme le fondement des peuples démocratiques. Chez ceux-ci, écrit-il, « chacun travaille pour vivre, ou a travaillé, ou est né de gens qui ont travaillé. L’idée du travail, comme condition nécessaire, naturelle et honnête de l’humanité, s’offre donc de tout côté à l’esprit humain. Non seulement le travail n’est point en déshonneur chez ces peuples, mais il est en honneur ; le préjugé n’est pas contre lui, il est pour lui ». Peut-on exprimer plus clairement, Mesdames et Messieurs les députés, le choix que doit faire notre pays aujourd’hui ?
Les choses, telles qu’exprimées par Tocqueville, sont-elles transposables aussi simplement, dans une société qui n’a plus rien à voir avec le contexte de l’époque ? A moins de considérer les détenteurs de stock-options, et autres revenus du capital, comme les nouveaux « aristocrates oisifs »… mais la citation, alors, et l’utilisation qui en est faite, ne tient plus !
Oui, dans une démocratie, c’est le travail qui doit être au fondement de toutes les réussites, de toutes les fortunes. Il met l’ensemble des professions sur un pied d’égalité : le grand patron comme le petit employé savent ce que cela signifie, « une journée de boulot ».
Oui, le travail est une chose naturelle, essentielle à l’homme pour mener une vie équilibrée, indispensable à l’individu pour s’accomplir et développer au mieux toutes ses potentialités. Ce n’est ni une aliénation ni un simple pis-aller uniquement destiné à subvenir aux nécessités du quotidien.
Et ne voyez là aucune idéologie… A moins que Mme Lagarde nous fasse là partager une de ses plus chères utopies, « mettant sur un pied d’égalité toutes les professions », et permettant à chacun de « développer au mieux ses potentialités »… Allez en parler à tous ces jeunes diplômés (et moins jeunes d’ailleurs !), sous-utilisés, quand ils ne le sont pas à contre-emploi ! Sans parler bien sûr de tous les « ouvriers » (au sens noble et premier du terme), sans qui aucune richesse ne pourrait être produite… mais qui n’en voient pas trop la couleur, pas plus que celle de leur épanouissement ! Vous avez dit « égalité » ?
Mme Lagarde s’explique : Non seulement le travail est un impératif démocratique, mais il se trouve également au cœur de notre doctrine républicaine. Permettez-moi de la résumer en trois mots : l’égalité des chances, qui nous offre à tous les mêmes outils pour réussir ; le travail, qui nous départage ; et le mérite, qui nous récompense. Formule simpliste, peut-être. Formule idéaliste, sûrement. Formule efficace, en tout cas : entre l’égalité de tous sur la ligne de départ et les performances de chacun à l’arrivée, le travail fait de l’individu le seul responsable de son propre parcours.
Seul responsable en effet ! A condition bien sûr de prendre comme axiome cette « égalité de tous sur la ligne de départ ». Hypocrisie de Mme Lagarde, où celle-ci navigue-t-elle dans des hautes sphères telles qu’elle n’a même pas la moindre idée des variations structurelles de cette ligne de départ ? Des variations qu’elle ne fait par ailleurs que renforcer avec ses propositions fiscales !
Cessons d’opposer les riches et les pauvres comme si la société était irrémédiablement divisée en deux clans. Cette loi est destinée à tous ceux qui travaillent, quels que soient leurs revenus. … à certains beaucoup plus qu’à d’autres, tout de même !
De ma lecture de Tocqueville, je retiens l’idée suivante : « l’égalité réhabilite l’idée du travail procurant un gain ». Cette formule résume admirablement le sens de la loi que je vais maintenant vous présenter, avec le soutien de mes deux secrétaires d’Etat. Car elle couvre toutes les grandes étapes du travail : 1. L’égalité, c’est l’égalité des chances, assurée par les études. 2. L’idée du travail, c’est la possibilité d’y trouver une réussite personnelle. 3. Le gain, c’est la récompense qu’on en retire. 4. Ce gain, il n’a de sens que si l’on peut en profiter : il doit nous permettre de dépenser plus et de dépenser mieux. 5. Ce gain, il faut aussi pouvoir le transmettre à ses enfants.
L’égalité des chances assurée par les études, quand toutes les études montrent, justement, qu’il n’en est rien ?
Heureux ceux qui ont le choix de « dépenser plus et mieux », et la possibilité de transmettre un « gain » à leurs enfants ! Quant aux autres… c’est qu’ils n’auront pas fait le bon choix de départ.
Le travail recèle la possibilité d’un épanouissement personnel. Ainsi que le dit Confucius : « Choisissez un travail que vous aimez et vous n’aurez pas à travailler un seul jour de votre vie ».
L’article premier de la loi encourage ainsi le développement des heures supplémentaires, c’est-à-dire effectuées au-delà de la durée légale du travail de 35 heures.
Parce qu’il est bien certain que les appelés aux heures sup font partie de ces bienheureux décrits par Confucius…
Trop souvent en effet, les bénéficiaires des minima sociaux ne trouvent qu’un avantage financier très minime à reprendre un emploi payé au SMIC, qui les priverait de leurs allocations ; dans certains cas, ils y perdent même ! Ce que les économistes ont justement nommé des « trappes à inactivité ». Il est grand temps de refermer ces trappes, aberrations administratives et honte de notre société, où l’oisiveté est récompensée et le travail découragé. Peut-on accepter que celui qui se lève tôt, et celui pour qui tous les jours sont dimanche, reçoivent le même salaire? Il est grand temps que l’expression « travailleur pauvre » disparaisse de notre vocabulaire et redevienne le paradoxe qu’elle n’aurait jamais dû cesser d’être.
Réjouissons-nous, les travailleurs pauvres vont bientôt disparaître, par la grâce de leur seule volonté. Et plus personne n’aura droit à la semaine des 4 jeudis… ni des 7 dimanches ! Vive la fermeture des trappes ! …et retrouvons un peu de dignité, que diable !
S’il est entendu que tout travail mérite salaire, il reste choquant que certains dirigeants touchent des salaires sans rapport avec leur mérite. Leurs indemnités de départ seront donc soumises, d’après les dispositions de l’article 7 de la loi, à des conditions de performances strictes, dont le respect sera contrôlé par le Conseil d’Administration de l’entreprise.
Pourquoi, ça n’est pas déjà le cas ? Les décisions des PDG et autres directeurs ne sont pas soumises à l’approbation du CA ?
Où le pragmatisme ressemble à un voeu pieux.
A supposer bien sûr en préliminaire que le « salaire » et autres avantages de ces « dirigeants » soient proportionnels à leur « mérite »…
Les cinq étapes que nous venons de parcourir, Mesdames et Messieurs les députés, couvrent je crois les enjeux majeurs du travail aujourd’hui.
Je dois être un peu bigleue, mais je n’arrive toujours pas à voir (en dehors des rabais sur les heures sup, et encore) en quoi ces « réformes » constituent une « politique du travail » et peuvent « couvrir » ses enjeux majeurs. Quelqu’un peut m’aider ???
.
Réflexions annexes et complémentaires :
- Présentation du projet de loi en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat – MINEFI
- Quand la machine de guerre néo-libérale tire à couvert – Ce qui se cache derrière l’ouvrage « Histoire du libéralisme en Europe » – par Martin Mongin
- Le « paquet fiscal » s’adresse à tous les Français (Lagarde) – pour enfoncer le clou
- Le discours de Christine Lagarde lors des rencontres financières internationales organisées par Paris Europlace – où l’on comprend mieux ses préoccupations réelles et immédiates !
Tags: précarité, Société, tout-économique, travail, argent, Europe, gouvernement, politique, pouvoir dachat