Lettre ouverte à Mme Albanel, Ministre de la Culture

Quelques Compagnies du Spectacle Vivant, bientôt rejointes par d’autres, ont signé une lettre ouverte à la Ministre de la Culture et de la Communication pour l’alerter sur les conséquences de la mise en place de ce qui est communément appelé dans le milieu le numéro d’objet (plus officiellement la circulaire n° 2008-03 du 12 mars 2008, émanant de l’UNEDIC).
Les compagnies, les intermittents et les entrepreneurs de spectacle sont en effet inquiets que leurs missions culturelles s’en voient entravées…

J’en fais une copie, ainsi que celle du Communiqué du Ministère de la Culture en réponse à cette lettre
Dialogue de sourds dans la culture… et la communication !!!
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LETTRE OUVERTE
A Madame la MINISTRE de la Culture et de la Communication
Au Directeur de la DMDTS [Direction de la musique, de la danse, du théâtre et des spectacles - NDLR]
Aux délégations Musique, Danse, Théâtre du Ministère de la Culture

Sur les conséquences désastreuses pour nos structures et nos métiers de la mise en place de la circulaire N° 2008-03 du 12 mars 2008 par la direction de l’Unédic.

Madame la Ministre, Monsieur le Directeur de la DMDTS, Messieurs les Délégués,

Bonjour,

Nous, directeurs et administrateurs d’associations culturelles indépendantes, exerçant dans les domaines de la musique, de la danse ou du théâtre, tenons, par ce courrier, à vous faire part de nos inquiétudes concernant la circulaire n° 2008-03 du 12 mars 2008, validée par la direction de l’UNEDIC et publiée sur le site www.assedic.fr

Résumé : A compter du 1er avril 2008, préalablement au démarrage d’un spectacle et à l’embauche des salariés intermittents, tout employeur devra demander un numéro sur le site www.assedic.fr

Les conséquences de l’application de cette circulaire pour nos structures et pour les intermittents du spectacle que nous embauchons sont, à plus d’un titre, préoccupantes. En effet, la mise en place de ce numéro nous apparaît, bien au-delà du terrain administratif, comme un réel outil d’intervention qui touche les fondements de nos métiers, marginalise nos missions et rend stérile le champs de nos actions culturelles sur le territoire.

I/ Remise en cause de la licence d’entrepreneur du spectacle
Pourquoi devrions-nous demander plusieurs numéros au site de l’assurance chômage ? Nous sommes déjà détenteurs d’une licence d’entrepreneur du spectacle, attribuée et renouvelée tous les trois ans, par les DRAC qui dépendent directement du Ministère de la Culture. A chaque spectacle allons-nous devoir, à partir du 1er avril 2008, justifier de la légitimité de cette licence ? Cette circulaire remet directement en question la licence d’entrepreneur du spectacle attribuée par votre Ministère et transforme structurellement la relation de réciprocité entre nos structures culturelles et la DMDTS.

II/ Ce numéro sera attribué pour CHAQUE spectacle :
D’un point de vue général, l’assurance chômage va t’elle demain demander aux boulangers, un numéro d’objet pour chaque fournée de pain ? La fabrication des pains journaliers va-t-elle dépendre de l’obtention d’un numéro ?
L’assurance chômage va-t-elle détenir la régulation de l’emploi pour tous les artisans et désigner les futurs chômeurs ? Rappelons que l’Assedic, mise en place à la fin de la seconde guerre mondiale, est une association POUR et non CONTRE l’emploi.
Ne faudrait-il pas alors redéfinir publiquement les prérogatives du Ministère du travail et de l’égalité des chances ?

D’un point de vue spécifique, en quoi une association de droit privée serait-elle l’organisme compétent pour définir et décider de la légitimité ou de l’illégitimité d’un spectacle ? L’Unédic va-t-il devenir le nouveau contremaître de nos créations ?
Et pour aller plus loin dans cette logique absurde : L’association pour l’emploi (ASSEDIC) est-elle vouée à intégrer l’organigramme de la DMDTS comme nouvelle instance décisionnaire de délégation de la Culture ? Il vous faudrait alors redéfinir publiquement le rôle et les prérogatives d’un Ministère de la Culture.

III/ Ce numéro ne sera attribué QUE pour les spectacles :
Sommes-nous voués à devenir uniquement des producteurs au détriment de nos vocations premières : La pensée, la recherche, la transmission, les créations, ?
L’Unédic a t’elle vocation à redéfinir l’architecture de nos missions ?
En effet, avec l’application de ce numéro circonscrit au seul spectacle, qu’en sera t’il de toutes ces formes que nous inventons, en amont et en aval, et qui participent, directement ou indirectement, du spectacle ou du programme artistique d’une compagnie ? Qu’en sera t’il des interventions dans les écoles, dans les hôpitaux, dans les prisons, dans les quartiers, sur les marchés, dans les espaces publics, dans les rues… ? Qu’en sera t’il de nos missions d’interventions auprès des publics, de nos programmes de recherches qui n’aboutissent pas forcément à une forme spectaculaire, de nos essais ou de nos performances expérimentales ?

IV/ Pénalités et labyrinthes administratifs
La circulaire prévoit dans le paragraphe 3 une pénalité aux employeurs en cas d’«absence» du numéro d’objet sur l’AEM. Par cet alinéa, l’Unédic considèrerait-elle, par défaut, que nous ne respecterons pas la procédure ? Que la non-obtention du numéro sera obligatoirement synonyme d’une « absence de demande » de numéro ? Et qu’adviendra t’il en cas de retard de l’Assedic à traiter nos dossiers ?
Quel coût pour les assedics représente le traitement de ces nouveaux dossiers ?
Nos structures, génératrices d’emplois devront-elles être soumises à une « taxe déguisée » en cas de non-traitement dans les délais de nos demandes répétées de numéros ? Ne risquons-nous pas d’être pénalisés financièrement du fait de la possible défaillance des rouages administratifs de l’ASSEDIC ?
Ex : Devrons-nous être amenés à prouver notre bonne foi pour chaque demande et à faire des recours pour les remboursements de ces pénalités en cas de reconnaissance par l’Assedic à un manquement lié à un simple problème informatique ?

La situation est alarmante :

- En augmentant considérablement la charge administrative de nos structures ou de nos compagnies, ce numéro va, de fait, entraîner nos administrateurs, dans de nouveaux et pénibles couloirs labyrinthiques kafkaïens.
- En nous privant de notre rôle social et éducatif dans la sphère publique, l’application de cette circulaire va EXCLURE DEFINITIVEMENT nos structures et nos salariés, de la construction à la citoyenneté au sein de la Cité démocratique ;

Nous vous avons alertés dans l’espoir que vos services nous associent dans l’étude des points que nous avons mis en évidence ce jour.

Vous comprendrez, Madame la Ministre, Monsieur le Directeur de la DMDTS et Messieurs les délégués, que si cette circulaire, inacceptable pour nous, est appliquée le 1er avril 2008, sans que nos alertes épistolaires de ce jour fassent l’objet d’une prise en compte VISIBLE par le Ministère, nous refuserons activement de nous soumettre à une telle perte de sens dans nos fonctions d’artistes et d’artisans des mondes de demain.

Sincèrement,

FAIT A PARIS, le 21 mars 2008

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que je me permets de commenter !

A l’occasion de la négociation relative à la convention d’assurance chômage en 2006, les partenaires sociaux ont souhaité disposer d’un outil de suivi du CDD d’usage afin d’éviter notamment les recours abusifs à ce type de contrat.
Sachant que les plus grands « abuseurs » de CDD se comptent parmi les entreprises audio-visuelles, et non celles du spectacle vivant.
Et que si mes souvenirs sont exacts, les « partenaires sociaux » se sont réduits au MEDEF et à la CFDT pour la signature de l’accord en question… au grand dam des autres syndicats !

Ils ont élaboré un dispositif d’attribution d’un numéro d’objet que tout employeur du spectacle vivant et enregistré doit demander avant l’embauche de salariés intermittents, comme le prévoit l’article 56 § 3 des annexes 8 et 10, à la Convention d’assurance chômage du 18 janvier 2006.

A la veille de son entrée en vigueur prévue pour le 1er avril 2008, le Ministère de la Culture et de la Communication a été saisi des inquiétudes suscitées par ce dispositif et des risques de radiation d’artistes et techniciens du spectacle en cas de non obtention du numéro d’objet par leur employeur.
De radiation d’artistes… mais surtout de la disparition de compagnies ! La lorgnette est un peu réduite, Mme la Ministre !

L’UNEDIC a répondu à l’ensemble de ces préoccupations dans la circulaire n°2008-03 du 12 mars 2008 qui indique, notamment, que l’absence de numéro d’objet n’aura aucune incidence sur les droits des salariés. En effet, ce dispositif qui a vocation à améliorer la professionnalisation des salariés dans le secteur ne doit pas avoir pour conséquences d’alourdir les tâches de gestion des employeurs du secteur ni de porter atteinte aux droits des artistes et techniciens.
La professionnalisation des salariés… qui ne seraient donc pas professionnels ?
« ne doit pas avoir pour conséquences d’alourdir les tâches de gestion des employeurs du secteur »… ah ? Ils se moquent, ou ils le font exprès, ou c’est de la provocation ?

Dans un souci de pédagogie, le Ministère de la Culture et de la Communication prendra, dans les prochains jours, l’initiative d’une réunion d’échanges entre les représentants du secteur et l’UNEDIC afin d’apporter toutes les précisions utiles sur les modalités d’application du dispositif.
Il serait temps… pour une circulaire applicable le 1er Avril ! Eh oui, il est certaines dates qui sentent le poisson… pas frais (Uderzo, au secours !).
Dans un souci de pédagogie, le Ministère nous expliquera-t-il aussi le démantèlement des subventions et autres aides censées favoriser l’accès à la « culture pour tous » ?

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Relais d’infos :
¤ Numéro d’objet .. poison d’avril !.. Lettre ouverte à Albanel
¤ LETTRE OUVERTE - communiqué du Ministère de la Culture sur le numéro d’objet
¤ Le Numéro d’Objet : une nouveauté 2008… nombreux commentaires ! et ici aussi : Numéro d’Objet : C’est parti !

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