Visite au Tribunal d’Instance

J’ai une rage de dents qui m’empêche de m’agiter… mais aussi un peu de réfléchir !

Mais cela va me permettre de vous raconter une petite expérience…

Pour ceux qui ont suivi la Chronique d’un surendettement, l’audience était donc prévue cette semaine… et elle a eu lieu !!!
En rappelant au passage que la première était prévue au mois d’Août (pour une assignation en Juillet, j’avais trouvé cela rapide), et que depuis il y a eu 3 reports : 2 parce que soit-disant les avocats des organismes de crédit n’avaient pas eu le temps d’affuter leur argumentation, le troisième du fait de l’avocat d’Arthur, parce qu’il avait reçu l’argumentation des parties adverses l’une 3 jours ouvrables avant l’audience, l’autre la veille à 18h !
Pour un dossier qui sur le fond semble relativement simple, il me semble que ces reports sont volontaires.
La question étant de savoir à quoi ils servent
Pas au bon fonctionnement de la Justice, en tous cas.

Mais j’en viens à mon histoire.
Je ne connais rien au(x) fonctionnement(s) quotidiens de la Justice, et me suis rendue pour la première fois, avec Arthur, bien sûr, dans un Tribunal d’Instance, pour une audience.
L’enjeu était d’importance, et j’étais tout de même un peu tendue… d’autant que je m’étais dit la veille que je ne savais absolument pas si une décision serait rendue in situ, ou s’il faudrait encore attendre.
Je réponds à cette question tout de suite : non, le juge du tribunal d’instance ne prend pas de décision sur place. Celle-ci semble être remise à un mois plus tard, grosso modo, en tout cas dans ce tribunal.

Un peu tendue, donc, mais j’ai été une spectatrice avide (et du coup plus détendue !) d’un spectacle que j’ai trouvé hallucinant !
La seule tension qui est restée a été de me demander, alors que je n’avais pris que la matinée, si je pourrais être dans les temps à mon boulot l’après-midi.

Arthur était donc convoqué à 9h.
Coup de chance, nous sommes arrivés en même temps que l’avocat, qui nous a indiqué où se trouvait la salle d’audience.
Car quand je parle de convocation, il n’en avait en fait aucune, et nous ne savions rien de la marche à suivre.

Nous sommes rentrés dans une salle bruissante, effervescente même, peuplée de pas mal de corbeaux.
Corbeaux, parce que re-vêtus d’une toge noire, mais aussi parce que très volatiles.
Ceux-là (celles-là, devrais-je dire, elles étaient beaucoup plus nombreuses que la gente masculine) étaient donc des avocats.
La plupart donc déjà revêtu(e)s de leur ramage, les autres l’enfilant à la va-vite, quand certain(e)s l’avaient encore soigneusement roulé sous le bras, où le déterraient de leur cartable.

9 heures pétantes, la juge entre, accompagnée de ce que je suppose être 2 assesseurs, et du greffier (de la greffière, en l’occurrence… décidément très féminine, cette audience !).
Tout le monde se lève. Nous faisons bien sûr de même. Le rituel debout-assis-à genoux s’est arrêté là.

Une longue litanie s’en suit (par ce que je suppose donc être la greffière), appelant tous les dossiers convoqués.

Une litanie interrompue, de-ci de-là, par des avocats qui s’approchent de la barre.
J’ai mis un petit moment à comprendre, mais il s’agit des dossiers dont l’une ou l’autre partie demande un report.
Note : ces demandes nécessitent-elles vraiment la présence de l’avocat (ou de la personne concernée) ? Ne pourraient-elles pas être faites par courrier ou par fax, dans la plupart des cas ?
Sauf bien sûr extrême urgence, litige, ou contournement du côté péremptoire de la convocation ?
Cela pourrait permettre de désengorger un tant soit peu les audiences, sans surcoût pour le Tribunal, et en évitant de faire déplacer des gens (dont des avocats) juste pour dire que le dossier n’est pas prêt !

Bien sûr, lors de cet appel, certains ne sont pas présents.

L’épisode suivant commence : le dépôt des dossiers.
Si j’ai bien compris, il s’agit de dossiers où les parties sont à peu près d’accord sur les argumentations respectives, et ne nécessitent donc pas de plaidoyer particulier.
Note : même remarque que ci-dessus : cette procédure ne pourrait-elle pas être simplifiée, moins contraignante pour les uns et les autres, et moins chronophage (comme on dit dans le management) ?

Commencent enfin les plaidoiries. C’est à dire qu’avant de déposer leurs dossiers, les avocats (ou les individus) de chaque partie exposent oralement leurs arguments (pour grande partie, sinon totalement, contenus dans leurs dossiers).
Encore une fois, je ne suis pas du tout au fait de ces procédures, et je joue volontiers les candides.
Ayant donc assisté à plusieurs de ces argumentations, j’en retiens que chacun(e) s’amuse, qui à citer un article de loi, qui à dénoncer une mauvaise manière de faire ou le défaut de pièces justificatives, qui à jouer sur les délais…
J’en ai oublié plein, de ces arguments plus ou moins fallacieux. Mais il est clair que dans la majorité des cas c’est du pinaillage, en jouant sur les mots et/ou les circonstances.
Un art en soi, plus ou moins bien assumé et/ou argumenté en fonction des personnes en présence.
Un exercice de style en tout cas magnifique ! Plus ou moins bien interprété…
Lequel, à aucun moment (en sachant bien sûr que je ne connaissais pas les dossiers, et que je ne connais pas suffisamment la loi pour savoir de quel côté pourrait pencher chaque dossier), ou presque, ne donne une idée de ce que pourra être la décision du juge.

Mais ces plaidoiries elles-mêmes (enfin, dans les interstices) ont été interrompues à plusieurs reprises pas des manquants à l’appel de 9h, arrivés entre-temps.
Qui pour demander un report, qui pour déposer un dossier, qui pour plaider, en priorité, du fait de l’éloignement ou de l’ancienneté de l’avocat.

Entre-temps, un va et vient incessant de corbeaux, de messes basses entre certains d’entre eux, de changements de place…
De quoi donner le tournis !

Encore une fois, je ne suis pas du tout une spécialiste.
Mais je ne peux m’empêcher de me dire qu’avant de s’attaquer à la carte judiciaire (qui va inévitablement éloigner certains justiciables ruraux de la justice), il aurait déjà fallu réfléchir à une organisation un peu plus optimale de cette justice dite de proximité…
J’imagine bien que la question est complexe, et que les réponses ne pourront sans doute pas être univoques.
Mais il s’agit d’un enjeu majeur de la démocratie, en termes d’accès à la justice… et pour que celle-ci soit rendue dans les meilleures conditions.
S’en donnera-t-on les moyens ?
Encore une question pour la RGPP.


Tags: , , , ,
Cette entrée a été publiée dans justice, services publics, témoignages. Vous pouvez la mettre en favoris avec ce permalien.

Les commentaires sont fermés.