Handicap et intégration scolaire

Depuis un certain nombre d’années, au nom de la non-discrimination, et sans doute pour répondre assez démagogiquement à la demande de certaines associations de parents d’enfants handicapés, la mode, mais aussi les directives gouvernementales, et même la loi, favorisent l’intégration scolaire en milieu ordinaire des enfants handicapés.

Cette démarche a conduit à diminuer (du moins à ne guère augmenter, ce qui dans les faits revient à peu près au même) les financements des établissements spécialisés, pour privilégier le maintien de ces enfants dans les écoles normales.

Vous vous demandez peut-être ce que je trouve à redire à cette politique de l’intégration, louable en tous points, alors que je dénonce par ailleurs autant que je le peux tout ce qui peut conduire à des discriminations…
Eh bien justement, l’enfer étant pavé de bonnes intentions, mais aussi d’hypocrisies comptables, cette politique de l’intégration, bénéfique dans certains cas, peut se révéler délétère, voire maltraitante, dans de nombreux autres.

En effet, qu’en est-il dans les faits ?
- le seul (ou quasiment) accompagnement à cette intégration forcée consiste en l’attribution d’AVS (Auxiliaire de Vie Scolaire) ou EVS (Emploi Vie Scolaire) (voir aussi : Melting Pot… logement – AVS – Joly – économie).
Il s’agit d’emplois précaires, le plus souvent, et à temps plus ou moins partiel, de personnes ayant la volonté d’aider, mais pas ou peu de qualification.
Il n’est bien évidemment pas question ici de leur jeter l’opprobre, bien au contraire ! Et mon souhait serait que ces emplois soient pérennisés, correctement reconnus, donc donnant lieu à un statut et à une formation dignes de ce nom.
Reste que cet accompagnement, souvent efficace, n’est dans la plupart des cas pas suffisant.
- l’instituteur ou l’institutrice (je crois que la terminologie officielle est maintenant maître des écoles) se retrouve bien désemparé, ignorant des méthodes adaptées à chaque handicap, soumis à une surcharge de travail et de tension, et tenu de gérer une classe avec un ou plusieurs écueils supplémentaires. Mais surtout, il est très isolé, et la bonne volonté, qui frise parfois le sacerdoce, ne suffit pas !
- le directeur d’école, quant à lui, se retrouve avec une surcharge de travail, mal ou pas estimée, en termes de responsabilité, de réunions et paperasses diverses… sans compter la surcharge morale.
- les RASED (Réseaux d’Aide Spécialisés aux Elèves en Difficulté) ne voient pas leurs moyens, humains et techniques, augmenter… quand ils ne diminuent pas !
- l’enfant, dans ces conditions, s’adapte comme il le peut… souvent dans la souffrance, à l’image des adultes censés l’accompagner.

Je dresse un tableau un peu noir, et il est néanmoins certain que certains enfants bénéficient de ce dispositif.
Il est également certain qu’ils pourraient en bénéficier plus encore si cette intégration était mieux évaluée, et que n’étaient maintenus en milieu scolaire ordinaire que les enfants qui peuvent en tirer profit.

Or c’est loin d’être le cas de tous.
Il conviendrait, pour une réelle réussite de cette insertion (pour rappeler le vocabulaire utilisé pour les adultes), que chaque situation soit effectivement évaluée, et de pouvoir avoir le choix d’une solution adaptée.
Car l’insertion future, dans nombre de cas, dépend d’une éducation et d’une pédagogie spécialisées hors du milieu scolaire ordinaire, qui soit réellement susceptible de prendre en compte les besoins et capacités de l’enfant.
En favorisant par ailleurs l’intégration, le mixage, le brassage, dans toutes les activités où cela semble possible… et adapté !

L’intégration n’a de sens que si elle est profitable, à l’enfant concerné, à sa famille, aux enseignants, aux autres enfants.
Or un enfant victime d’un handicap physique, à condition que les conditions soient remplies pour que celui-ci ne devienne pas un parcours du combattant quotidien, n’a pas les mêmes besoins qu’un enfant déficient mental (ça devient déjà un peu plus compliqué) ou sensoriel (là, ça devient spécialisé), et encore moins qu’un enfant ayant des troubles psychiques profonds (je n’ose même pas employer le terme d’autisme, tant l’hypocrisie est grande à ce sujet… mais en deçà, il y a bon nombre d’enfants, disons très perturbés), qui n’a rien à faire dans l’école ordinaire… sinon augmenter sa souffrance psychique et celle de son entourage.

Le handicap, dans l’enfance, pour autant qu’il soit objectivé et correctement évalué et accompagné, peut se révéler moindre à l’âge adulte.
Dans ce cas, la personne peut effectivement bénéficier d’une insertion sociale réelle.
Dans les autres cas, le handicap devient un boulet, pour la personne et son entourage, et génère l’exclusion.
Il serait grand temps de se pencher réellement sur la question, et d’y apporter des réponses un tant soit peu adéquates.
Car sinon, cela devient aussi un boulet pour la société.
Or, comme pour l’éducation en général, l’investissement d’aujourd’hui peut diminuer les coûts, financiers et humains, de demain…
Mais la réciproque est vraie aussi : les économies d’aujourd’hui peuvent se révéler très coûteuses demain, en termes de besoins, d’assistanat (ô, le vilain mot !), d’exclusion, de cohésion sociale. Or c’est sur cette pente que l’on semble inexorablement glisser.

Il y aurait beaucoup à dire sur le sujet, et je ne prétends nullement l’épuiser !
Il semble néanmoins indispensable qu’intégration scolaire et éducation spécialisée coexistent, et que des passerelles entre les deux soient réellement possibles.
Je vous invite dans cet état d’esprit à lire et éventuellement signer cette pétition, découverte un peu tard :

Edité le 27/06/2008 :
J’en découvre une autre aujourd’hui, qui pose la problématique sous un angle un peu différent…
Les 2 ne pourraient-elles pas se regrouper ?
Les élèves en difficulté à l’école ne sont pas tous des enfants handicapés , pétition

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