Jeunes délinquants : mesures et avenir, ordonnance de 1945

L’ordonnance du 2 février 1945 a instauré les fondements du droit pénal applicable aux jeunes délinquants.
Elle a bien sûr été actualisée de nombreuses fois depuis, pour l’adapter aux réalités du terrain et aux évolutions de la société.

Comme dans bien d’autres domaines, cet empilement conduit parfois à un manque de clarté, rendant l’outil judiciaire touffu et peu performant.
Une remise à plat de cette ordonnance et de ses amendements était sans doute nécessaire, autant qu’une réflexion globale sur la meilleure façon d’accompagner ces délinquants et de favoriser leur insertion socio-professionnelle et plus globalement sociale d’une part, de protéger la société d’autre part.

Une réflexion qui pourrait (devrait) bien sûr s’étendre à l’ensemble de la politique judiciaire…

Laquelle connaît cependant une tendance de plus en plus marquée au tout répressif, faisant mine de croire que l’emprisonnement serait la solution, et laissant de plus en plus de côté l’accompagnement à la réinsertion, voire la possibilité de rachat, non au sens commercial, mais du côté de celui de la rédemption.
C’est ce dont témoigne de manière presque caricaturale la Rétention de Sûreté.

Cette dérive est d’autant plus grave pour des jeunes.
Des jeunes qui de tous temps ont inquiété les sociétés bien pensantes et conformistes (ce n’est pas un jugement de valeur, c’est ce vers quoi tend toute société établie), voire leur ont fait peur.
Une crainte alimentée au plan individuel par l’oubli (dont il y aurait beaucoup à dire, mais je ne vais pas me lancer dans une analyse psychologisante !) de sa propre jeunesse.
Or heureusement (et je fais très court !) que la jeunesse conserve cette capacité de remise en cause, parfois de révolte, et en tout cas de renouvellement, car autrement aucune civilisation, aucune organisation sociale, aucun modèle de société, n’aurait pu tenir dans la durée !
Le monde serait sclérosé… voire mort-vivant.

Bref !
Une réforme de la justice applicable aux jeunes citoyens en devenir était donc sans doute nécessaire.
C’est pour cela que le gouvernement, et en particulier la Garde des Sceaux, a demandé un rapport sur le sujet, qui lui a été remis le 3 Décembre 2008.

La proposition la plus médiatisée de ce rapport a été sans nul doute celle d’abaisser à 12 ans l’âge minimum pour une mise en détention.
Ce qui, dans l’esprit, signifie donc qu’un jeune de 12 ans peut être reconnu comme responsable, du moins pénalement. En poussant la logique jusqu’au bout, on devrait abaisser pareillement le droit de vote…
Mais passons sur le sarcasme ! Au-delà de cette mesure particulière, c’est tout le texte et ses propositions qui remettent en cause l’esprit (mais aussi la lettre) de l’ordonnance de 1945, en favorisant outrageusement la répression, aux dépens de la prévention, de l’accompagnement, de la spécificité de la prise en charge des mineurs.
L’on peut d’ailleurs s’étonner, dans ce contexte, de la mise en exergue qui apparaît sur le site du Premier Ministre dans l’article consacré à cette actualité (Le rapport Varinard sur la réforme de la justice des mineurs): l’éducation primera désormais sur la sanction. Ah ?

J’avais déjà cité la Lettre Ouverte au Président de la République Française, écrite par un éducateur.
Je découvre aujourd’hui (à vrai dire hier !) ce blog, créé tout spécialement : Quel futur pour les jeunes délinquants ?.
Au-delà de la pétition qu’il contient, ce site fournit des informations assez complètes sur tous les tenants et aboutissants de cette nouvelle réforme annoncée.

Sans faire dans la monomanie bornée, je me permets de relever ces quelques phrases, qui témoignent une nouvelle fois de l’étrange conception du dialogue, de la consultation, de la concertation, de nos gouvernants !
Extraits du très intéressant et instructif texte écrit par l’association française des magistrats de la jeunesse et de la famille : L’avenir de la justice des mineurs après la commission Varinard: L’éducation en trompe l’oeil pour une véritable accélération de la répression.
- Un tel projet ne peut se construire qu’à partir d’un constat et d’une analyse fiable et sérieuse. Or, les conclusions de la commission ne s’appuient sur aucune étude sociologique mais reprennent sans les démontrer les affirmations d’un discours dominant qualifiant la délinquance juvénile de plus violente, plus jeune et plus nombreuse.
- Mais une lecture complète du rapport conduit au constat d’une contradiction constante entre les mesures proposées et les affirmations liminaires, lesquelles sont soit détournées, soit infirmées.

Il y a bien sûr de nombreuses autres infos sur ce site…
J’ai relevé pour ma part dans ce même texte ces phrases, qui résument bien la situation et la problématique :
La primauté éducative et la spécialisation de la justice des mineurs sont aujourd’hui consacrées par les conventions internationales et par la jurisprudence constitutionnelle.
Le défi d’un projet de réforme du droit pénal des mineurs devrait consister à réaffirmer ces principes essentiels puis à aller plus loin en définissant un nouveau projet pour la jeunesse dans un contexte historique différent de celui de l’après guerre mais semé aussi d’incertitudes pour les plus jeunes.

Souhaitons que l’hypocrisie, ou le contournement, comme le dit Isabelle This Saint-Jean à propos de la réforme des universités et de la recherche (voir Universités en grève – Pécresse rejoint le club) ne seront pas les grands vainqueurs de cette réforme, qui concerne un sujet essentiel pour notre société… et qui risque de coûter, dans tous les sens du terme, très cher dans les années à venir !

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En savoir plus :
¤ Rapport Varinard
¤ Note statistique de (re)cadrage sur la délinquance des mineurs – Laurent Mucchielli
¤ Rapport Varinard : danger pour les mineurs et la démocratie – Rue 89
¤ Un consensus impossible sur le droit pénal des enfants ? – Jean Pierre Rozenczeig
¤ Délinquance des mineurs, l’intox des chiffres du gouvernement – Libération
¤ un bon (?) résumé : Est-ce bien raisonnable ? – Journal d’un Avocat (par Dadouche)

¤ autres liens suggérés ici : Réaction au rapport Varinard : « la prison n’est pas une réponse adaptée pour ces enfants… » – Mehdi Yazi-Roman
et ce dernier, plutôt du côté du soutien : Rapport Varinard : faut-il avoir peur de réformer la justice des mineurs ? – Brigitte Bré Bayle


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