Une « autre » évaluation pour les enseignants-chercheurs ?

La mode est aux médiateurs…
La réforme des universités a la sienne : Claire Bazy-Malaurie.
Une énarque bon teint (quand on sait que la grogne dans les universités tient entre autres aux énormes disparités existant entre la fac et les grandes écoles !), présidant la chambre de la cour des comptes concernant l’éducation (!), et ayant en particulier participé à des travaux sur la gestion du système éducatif (sic !) et l’immobilier dans les universités (re sic !).

Nul doute que cette dame connaît bien les problématiques particulières des enseignants-chercheurs, que celles-ci soient du côté de l’enseignement (avec comme enjeu la formation et le statut des futurs chercheurs) ou de celui de la recherche.
Nul doute aussi qu’elle les abordera autrement qu’en termes comptables.
Mais n’anticipons pas… Elle a promis d’écouter, et semble en effet avoir quelques capacités pour cela. Reste à savoir si elle saura tenir compte de ce qu’elle entend, à la différence de quelques autres ! (voir la concertation)

Mais Notre Seigneur, sans doute pris de remords, ou soudainement visité par quelque esprit divin lui octroyant quelques soupçons de clairvoyance, essaie lui-même de désamorcer la bombe qu’il a posée le 22 Janvier, lors de son allocution ainsi dénommée : Discours à l’occasion du lancement de la réflexion pour une Stratégie Nationale de Recherche et d’Innovation.
Le titre est en lui-même une provocation, d’autant que le lancement de la réflexion donne déjà lieu à des conclusions. Mais c’est à coup sûr le contenu qui a mis le feu aux poudres dans le monde universitaire, tant celui-là est méprisant pour celui-ci !

Méprisant et oublieux, en particulier de toutes les propositions faites à l’issue d’une réflexion globale menée à l’occasion des Etats Généraux de la Recherche… en 2004 !
Propositions dont il n’a semble-t-il guère été tenu compte…

Voilà qu’hier (vendredi 13, donc), Notre Seigneur demande que soient explorées de nouvelles pistes pour l’évaluation des enseignants chercheurs et l’organisation de leurs services !
Le même qui, le 22 Janvier, affirmait que c’est consternant mais ce sera la première fois qu’une telle évaluation sera conduite dans nos universités, la première, ce qui est faux, et que S’il n’y a pas d’évaluation, il n’y a pas de performance, ce qui est un curieux renversement de proposition (en termes linguistiques), et supposerait que l’universitaire et le chercheur, tels l’âne, n’avancent que vers la carotte.
Pour poursuivre la métaphore, et à la lecture du décret suspendu, l’on pourrait craindre que l’enseignant-chercheur, tel l’âne de Buridan, se trouve aux prises avec un tel choix cornélien entre ses missions d’enseignement et de recherche, qu’il ne remplisse plus correctement ni l’une ni l’autre.

Au-delà de ce nouvel effet d’annonce, Notre Seigneur fait semblant d’ignorer que cet aspect, certes emblématique de la réforme en cours, est très loin d’être le seul concerné par la grogne des universités.
La disparition annoncée du CNRS, entre autres, ainsi que la réorganisation proposée de la recherche dans son ensemble, et de l’enseignement universitaire dans son ensemble, sans parler des nouvelles modalités de sélection et de recrutement des futurs enseignants, sont aussi largement en cause.
Parce que là comme ailleurs (je caricature) la crainte est grande d’un enseignement à deux vitesses, et d’une recherche au rabais pour certains, tandis que certains domaines seraient exagérément mis en avant et financés.

L’évaluation, au-delà de sa nécessité, est un processus délicat, qu’il convient de prendre le temps de soupeser. En essayant par ailleurs de faire en sorte qu’il ne paralyse pas le système par la multiplication des procédures afférentes.
L’enseignement et la recherche représentent de tels enjeux qu’il convient d’y réfléchir sans idéologie réductrice, en étant bien conscients qu’ils sont des investissements à long terme, même si certains résultats concrets peuvent être obtenus à court terme.

Ces choix cruciaux méritent mieux que le mépris et le dogmatisme.
Or la mobilisation actuelle semble largement dépasser les habituels clivages et autres orientations politiques (en termes de droite ou gauche) des différents protagonistes (Présidents d’Universités, enseignants-chercheurs, étudiants…).
Un enjeu de taille !

réforme de l'université et évaluation : la valse de Valérie et Nicolas
dessin de Placide

Eléments de réflexion(s) :
¤ un bon argumentaire sur les enjeux, synthétique malgré sa relative longueur, et chiffré : UN COMMENTAIRE DE TEXTE DU DISCOURS DE NICOLAS SARKOZY
¤ Réponse à la provocation présidentielle du 22 janvier : « La provocation que constitue le discours du 22 janvier de N. Sarkozy vient couronner des mois de travail de sape »
¤ Université et Recherche : le Nobel de physique Albert Fert critique sévèrement Sarkozy et Pécresse
¤ d’autres textes sur Sauvons l’Université et sur Universités et Universitaires en lutte

Edité le 15/02/2009 :
Bien intéressant aussi, avec humour : De la réalité de l’enseignement supérieur et de la recherche en France…… une belle tirade sur l’absurdité !


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