La santé de la Psychiatrie

La Psychiatrie est plus couramment dénommée depuis quelques années Santé Mentale.
C’est bien sûr un des avatars du politiquement correct, mais au-delà de la précaution du terme, celui-ci a un sens.
Un sens lourd de sens (!), de symboles, de présupposés, de conception de la société, voire d’idéologie. Mais aussi et surtout d’éthique !

Je ne vais pas vous refaire l’historique de la psychiatrie et de la santé mentale en France, mais quelques menues réflexions en préambule :
- la santé, terme générique, contient tout à la fois la prévention, le diagnostic et le soin… voir le post-soin dans certains cas.
- la santé mentale laisse supposer que l’on puisse l’être, en bonne santé mentale, ce qui n’est pas sans poser des questions de définition, de la normalité à la folie… et parfois à la bienséance !
- les deux (santé tout court et santé mentale) ne peuvent être appréhendées que dans le cadre d’un choix de société, et de la place de l’individu dans celle-ci, que ce soit en termes économiques, organisationnels, solidaires, citoyens… ou plus simplement Politiques (en termes de vie dans la Cité).
- l’une et l’autre sont donc fondamentalement et foncièrement des questions Politiques, représentent des enjeux majeurs, et des choix de société.

Il y eut dans l’histoire et les différentes civilisations, à différents degrés, des moments où le « fou du village » était intégré, en tant que tel, et avait un rôle social. Des temps de l’enfermement et de la protection à tout prix contre la folie. Un temps de libération totale et inorganisée…
C’est bien sûr très schématique, voire caricatural. Mais je ne vais pas vous écrire un livre !

Il n’empêche qu’après des avancées historiques dans les années 70/80, la prise en compte de la santé mentale (et donc de la maladie du même nom) a tendance à régresser, et à « s’anglosaxoniser », au profit du cognitivisme, du comportementalisme, de la médication, de la rationalisation, et au mépris de la personne, du malade, et de son entourage.
Et le risque de l’instrumentalisation n’est pas loin, tant il est évident que la question sociétale gêne aux entournures, tant la folie et ses aléas nous touche au plus profond de nous-mêmes et qu’il vaut mieux tenter de l’éluder, et tant la santé mentale coûte cher… sans garantie de résultat !
Mais surtout, cette coquine prend un malin plaisir à échapper à toute évaluation et rentabilité à court terme, ce qui la rend immédiatement suspecte.

On en arrive à oublier qu’au même titre que l’enseignement (ou l’éducation), elle prépare la société de demain, et que le coût relatif risque de se révéler bien plus important.
On feint aussi d’ignorer les pathologies générées par la pression (ou la dépression) sociale… dont le coût social et humain est loin d’être négligeable.

Tout ça pour dire que j’ai reçu récemment un tract de FO (Force Ouvrière) intitulé « CONFERENCE NATIONALE DE PSYCHIATRIE » (désolée, je n’ai aucune source), qui cite quelques faits et chiffres éloquents:
En psychiatrie, la situation est rien moins que critique. Dans bien des cas, faute de places ou de lits d’accueil, des malades ne sont pas admis ou bien des patients doivent sortir prématurément pour céder leur place.
Conséquences d’une politique de réduction drastique de l’offre :
Alors que la demande a explosé du fait de la précarisation des conditions de vie et de travail conséquence de la dégradation de la situation économique et sociale, plus de 125 000 lits et places ont été supprimés depuis le début des années 70, avec une accélération au cours de la dernière décennie, sous l’effet des SROS.
Ne pas substituer la prison à l’hôpital :
La prévalence des troubles mentaux des personnes détenues oscille entre 20 et 40% selon les enquêtes. Ainsi, plus de 12 000 détenus présentent une symptomatologie psychiatrique sévère dont 4 000 schizophrènes.
En effet, les soins dispensés en prison par les SMPR
(Service Médico Psychologique Régional – NDLR) et les secteurs rattachés aux UCSA (Unité de consultations et de soins ambulatoires – NDLR) sont notoirement insuffisants.
En psychiatrie rien ne peut remplacer l’humain :
depuis 1992 et l’instauration du diplôme unique, la formation est si gravement carencée que le Ministère a dû mettre en place une formation obligatoire d’adaptation à l’emploi pour les nouveaux diplômés devant exercer en psychiatrie !! Et ce n’est pas le tutorat proposé par le plan « psychiatrie santé mentale » qui pourra, seul, satisfaire à l’objectif de transmission de la « culture » psychiatrique aux nouveaux professionnels ; d’autant que les moyens pour sa mise en oeuvre sont nettement insuffisants. Enfin, les quotas d’admission dans les instituts de formations restent très en deçà des besoins.
Il faut ajouter que la suppression, en 1984, de l’internat spécifique pour les jeunes psychiatres, a fait, elle aussi, bien des dégâts dans la profession.
Les plans et les réformes :
Le « plan Psychiatrie et santé mentale 2005/2008 », au nom de la baisse des coûts de santé, ne se préoccupe pas de répondre aux besoins et dessine de nouvelles orientations en transférant une partie des activités qui relèvent du secteur sanitaire vers le social et le médico-social.
Depuis janvier 2007, le ministère a imposé la généralisation du recueil d’informations médicales en psychiatrie (RIM Psy) qui participe à la mise en place de la Valorisation de l’Activité en Psychiatrie (VAP). II s’agit, ni plus ni moins, d’appliquer la logique de la T2A au champ de la psychiatrie. Ces recueils de données rencontrent des résistances et des difficultés de mise en œuvre, détournent un temps précieux de soignants et posent clairement la question du respect du secret médical.

Ce ne sont bien sûr que des extraits, et je vous invite à lire la totalité du texte, qui ne se réduit en aucun cas à des revendications catégorielles, mais pose bel et bien un certain nombre de questions cruciales, pour les malades mentaux, leur prise en charge et leurs proches, et sur la société que nous souhaitons dessiner…
Parce qu’un malade mental mérite toute la considération qui lui est dûe, tout comme sa famille et ses proches.
Parce que toutes les actions de préventions et de soins ne peuvent qu’être bénéfiques à la Société.
Parce que toutes ces actions sont difficiles à chiffrer, mais néanmoins indispensables pour un équilibre de notre société.
Parce que pénaliser à tout prix les malades mentaux ne ferait qu’amplifier le problème.
Parce que le problème est crucial, et qu’à le traiter par-dessus a jambe le risque est grand de se faire déborder par des jeux de jambes… ou des discours opportunistes et fallacieux.

Quelques ressources : (à compléter SVP !)
- Non à la destruction de la psychiatrie publique et de secteur
- Des Assises de la Psychiatrie Médico Sociale à l’ACLiMSS
- Pratiques en santé mentale – PSYCHIATRIE INFIRMIERE

Tous vos arguments et documents sont les bienvenus !

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