Une justice aux enchères… ou les challenges de la justice ?

Notre super-président, ne rate pas une occasion de glisser l’idée d’une nouvelle mesure judiciaire – pourvu que nous ne glissions pas dessus ! – à chaque nouveau fait divers pouvant émouvoir – à juste titre – le grand coeur des français.

Les deux dernières en date :
- réfléchir à la possibilité de traduire pénalement un criminel déclaré « irresponsable » (parce que malade psychiatrique) – cf les infirmières de Pau
- prévenir la récidive des délinquants sexuels – cf l’affaire du petit Enis enlevé par Francis Evrard
… qui viennent juste derrière les « peine plancher », fort discutées par les acteurs de la Justice …
Avec un effet médiatique visiblement positif non négligeable !

De la répression, toujours, et de la soit-disant sécurisation !

On ne peut que s’apitoyer sur ces « cas judiciaires » (et sur tant d’autres passés inaperçus !), et partager humblement la douleur des victimes et de leurs familles.

Mais là n’est pas le rôle des décideurs politiques !
Ceux-là ont la charge de faire la Loi, et donc les lois, et de la faire appliquer… donc de donner les moyens aux acteurs de terrain de les mettre en oeuvre.
Or ces moyens manquent cruellement – et ce n’est pas nouveau !-, les lois et directives diverses n’ayant été que rarement accompagnées de la dotation financière correspondante… donc des moyens humains et financiers.
Et les dernières ne sont pas davantage dotées que les précédentes !

Je n’ai pas compté combien de réformes de la justice ont eu lieu sous la houlette de Nicolas Sarkozy, mais on doit bien en être à une petite dizaine (rappelons qu’il a été un Ministre de l’Intérieur des plus actifs!), et grosso modo, elles vont toutes dans le sens du tout-répressif. Pour quels résultats ?
Je suis incapable de le dire, mais je ne crois pas que fondamentalement les choses aient changé, sinon le sentiment de persécution de certaines populations, et une grogne montante des personnels de la justice, et de ceux de la police (assez silencieuse…) face à la culture du résultat.

Je me permets en tout cas cette petite note, car il me semble pour le moins inquiétant, concernant les dernières « réactions » de notre Omniprésent, comme dit Le Canard, que la confusion se généralise entre « maladie » et « délinquance », et le traitement qui est fait de l’un et de l’autre.

¤ Un malade a en effet besoin de soins, et toutes les réactions que j’ai lues ou entendues à propos des « malades » en prison s’alarment d’un manque de moyens pour que le suivi soit effectif.
Or les « mesures » annoncées dans les 2 cas précités feraient encore encore plus davantage (je manque de superlatifs) appel à ces « soins » déjà indigents…
¤ Il est nécessaire de protéger la société, et ses individus, de certaines violences inadmissibles… quand elles ne sont pas impensables et impansables.
Mais la réclusion et la répression sont-elles pour autant les seules réponses envisageables ?

Il serait déjà bien que le système judiciaire puisse faire face aux « vrais » délinquants (encore que nombre d’entre eux soient certainement des « malades sociaux », et qu’il conviendrait de prendre des mesures en amont), les juger, les incarcérer si nécessaire, et leur proposer de réelles possibilités d’accompagnement vers la réinsertion sociale. Et qu’il puisse rendre justice aux victimes dans des délais raisonnables…
La victimisation, la criminalisatio et le recours exclusif à la répression risquent fort à moyen et long terme d’être le contraire d’une solution à cet épineux problème !

La Psychiatrie -autrement dénommée Santé Mentale, pour être plus politiquement correct- en France est « en crise », à l’image du système de santé, mais bien plus que celui-ci. Comment lui « demander plus » (cf un slogan bien connu), quand déjà elle n’arrive pas à faire face à ses missions premières ?
Mais pour le coup, au-delà de la question prosaïque des moyens, serait-il éthique et moral qu’elle soit ainsi instrumentalisée, et que ses patients -qui doivent en avoir beaucoup, de patience- soient uniquement considérés comme de dangereux criminels ou de dangereux récidivistes en puissance ?
Il s’agirait là d’une confusion des genres très dangeureuse, et qui a connu des précédents désolants !
Mais il est clair aussi que la Psychiatrie -autrement… non, je ne vous la refais pas !- est de plus en plus soumise à des tentatives d’instrumentalisation, qui mettraient en péril son essence même.

Le(s) sujet(s) ne se prête pas aux effets d’annonce, et il serait grand temps d’y réfléchir… sérieusement.
Mais la chose ne va pas être simple quand on annonce la suppression d’un fonctionnaire sur deux…

Quelques Articles : c’est forcément très limité, mais je ne désespère pas que des lecteurs plus avisés complètent la rubrique !

¤ irresponsabilité pénale et double meurtre à Pau
- l’irresponsabilité pénale pour démenceJournal d’un avocat
- Double meurtre de Pau: non-lieu « psychiatrique » pour Romain Dupuy20 minutes
- Double meurtre de Pau : non-lieu « psychiatrique » – NouvelObs

¤ Délinquance Sexuelle
- Délinquance sexuelle : «La loi actuelle est suffisante, ce sont les moyens qui manquent» – Libération
- Sarkozy relance la polémique sur les délinquants sexuels – 20 Minutes
Plus « politique » mais néammoins intéressant dans le contenu :
- Pédophilie : Sarkozy se borne à un « effet d’annonce » sans donner de moyens à la justice – PCF
- Sarkozy et la délinquance sexuelle : des effets d’annonce démagogiques – LO
Et 2 « commentaires » :
- Récidive des délinquants sexuels
- Plan anti-pédophile: quand Nicolas SARKOZY supplée rachida DATI

* Et je ne peux que vous renvoyer au livre et aux commentaires de Serge Potelli: « Ruptures” – bilan de 5 ans de politique sécuritaire.
Il me semble que ce bouquin est bien écrit, c’est à dire facile à lire et compréhensible par tout un chacun, et qu’il donne des informations difficilement accessibles par ailleurs…
* Je recommande aussi, parce que ce que j’y ai lu me semble pertinent et informatif, le site « Journal d’un Avocat »
* Quelques réactions éclairées des invités du Téléphone Sonne – France Inter – 29/08/07 :

Comment lutter efficacement contre la pédophilie ?

La politique qu’on nous propose devient la négation de toute politique puisque la loi finit par réaliser ce que, précisément, la loi devrait éviter : la réaction pulsionnelle et la vengeance
Denis Sieffert (Politis)

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Edité le 09/12/2007 :
Pour citer cet article, où il semble que le gouvernement modère ses ardeurs :
Le gouvernement renonce à juger les irresponsables – SarkoFrance

…et « la suite »… Une justice… sur mesure ?
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