Crédit et surendettement : aubaine ou catastrophe ?

Le crédit à la consommation est soutenu en France, au prétexte qu’il faut soutenir la croissance (qui dans notre pays repose essentiellement sur elle).
Un soutien qui s’inspire du modèle américain… dont on a vu les effets de cette logique poussée à son extrême (les subprimes), allant jusqu’à proposer très volontairement des crédits à des accédants à la propriété dont on savait pertinemment qu’ils n’en avaient pas la capacité de remboursement.
Un mécanisme éminemment pervers, puisque reposant sur l’idée que les prêteurs pourraient toujours se rembourser sur le logement en question… en mettant bien sûr accessoirement les emprunteurs à la porte, donc souvent à la rue.
Une vision très humaniste du prêt !

Cela n’existe pas (encore !) en France.

Mais la France se refuse, comme pourtant d’autres pays européens l’ont fait, à créer un répertoire des crédits aux particuliers pour des besoins non professionnels, autrement appelé fichier positif.
Deux propositions de loi ont pourtant été présentées au parlement. L’une en Janvier 2005 par Jean-Christophe LAGARDE et Hervé MORIN (UDF), l’autre en Février 2007 par Elisabeth GUIGOU (PS).
Sans que ni l’une ni l’autre ne soit adoptée…

Ce qui laisse les coudées franches aux divers organismes de crédit, qui sont loin de toujours respecter leur Obligation de Conseil et d’Information des établissements bancaires et assimilés !
Ou alors tellement rapidement ou de manière tellement embrouillée que c’est incompréhensible par le commun des mortels !
Ou écrit en tout petit en bas du contrat…

Reste que les situations de surendettement sont souvent dramatiques pour ceux qui les subissent, et enrichissent la précarité (!).
La protection des plus vulnérables est toujours préférable à leur marginalisation, voire à leur exclusion.
Mais il semble bien que le lobbying des organismes de crédit soit beaucoup plus fort que ces basses considérations humaines.

Alternatives Economiques a publié dans son n° de Février 2008 un article intitulé Une dette envers les surendettés qui fait le point de la situation.

Extraits et commentaires :

700 000 ménages bénéficient d’une mesure destinée à remédier à leur état de surendettement [...]
Au total, selon l’Observatoire de l’endettement des ménages, 1 million, soit 4 % des ménages français, auraient un niveau d’endettement excessif au regard de leurs capacités de remboursement. [...]

Quelqu’un a-t-il pensé à évaluer le coût social de cette situation… donc son coût économique ?

Dans 73 % des dossiers, le surendettement est dû à une diminution des ressources consécutive à un accident de la vie. [...]
près de 50 % des foyers surendettés se rencontrent parmi les 10 % à 15 % de ménages dont les revenus nets sont inférieurs ou égaux au Smic.
Au-delà de l’évolution du pouvoir d’achat, qui au mieux stagne, voire régresse, depuis 1998, la précarisation des emplois accélère le développement de ce recours contraint au crédit. [...]
« Le développement du surendettement est lié à celui de la précarité professionnelle et familiale », résume Georges Gloukoviezoff, doctorant en économie à l’université Lyon 2.

Et il ajoute un autre facteur explicatif : la monétarisation des rapports sociaux (la garde payante des enfants, etc.) et la bancarisation de la population (99 % des foyers ont un compte) avec leur corollaire, la banalisation du crédit. Le problème, c’est que la relation commerciale n’est pas équilibrée, la plupart des clients n’ayant pas les compétences pour évaluer une offre de crédit complexe à décrypter. Surtout que le conseil est réduit à sa plus simple expression, [...]
quasiment les deux tiers des dossiers en commission en comportaient au moins un [crédit revolving, NDLR], et même souvent plusieurs (six en moyenne). [...]

Survivre… à tous prix, et même à crédit ! Dont les taux frôlent souvent ceux de l’usure.

crédits et ressources

Et les pouvoirs publics ne sont pas trop regardants, le crédit étant un moteur de la croissance : les 131 milliards d’euros de crédits à la consommation souscrits représentent plus de 13 % des dépenses des ménages (soit plus de 7 % du produit intérieur brut). [...]
CQFD

« L’effacement des dettes doit intervenir en tout dernier recours, afin de préserver la confiance des créanciers dans le principe du paiement des sommes dues », justifie Philippe Flores, coprésident de l’Association nationale des juges d’instance. Georges Gloukoviezoff avance, lui, une explication complémentaire : «Les personnes surendettées sont trop souvent considérées comme uniques responsables de leur situation. Elles ne doivent donc pas s’en sortir à trop bon compte, sinon elles risqueraient de recommencer. » La réalité est pourtant tout autre, comme le montre l’analyse des causes économiques et sociales du surendettement. [...]
On atteint ici les limites de toute démarche juridique qui a pour objet de traiter les conséquences et non les causes d’un phénomène qui reste avant tout de nature économique et sociale », reconnaît Frédéric Ferrière, chargé de mission à la Banque de France. [...]

Pour Georges Gloukoviezoff, la prévention doit, entre autres, passer par « la pédagogie personnalisée en matière de budgets, de crédits et de services bancaires ». Il faudrait donc multiplier les structures d’accompagnement qui aident les ménages n’ayant pas encore basculé dans le surendettement, en établissant un diagnostic budgétaire complet, en assurant leur suivi et en les aidant à trouver des solutions. Parmi lesquelles, le microcrédit social, une réponse alternative plus adaptée aux besoins des ménages fragiles que le crédit revolving. Ces prêts, à taux réduit, sont accordés, sous conditions de ressources, par certains établissements qui ne prennent pas grand risque, puisqu’ils sont garantis à 50 % par des fonds publics et que les emprunteurs sont suivis par ces structures d’accompagnement. [...]
Sauf que qui, parmi les utilisateurs de crédits à la consommation, connaît le micro-crédit social ?

Le Conseil économique et social propose par ailleurs de mieux encadrer la promotion, « particulièrement agressive », du crédit revolving, de rendre obligatoire la remise au client d’un cœur de contrat « lisible et clair », etc

A suivre !


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