Handicap et travail : de l’ESAT au milieu ordinaire de travail

Je réponds ici à un commentaire posté par Thefaine dans l’article Pour la mobilisation des ouvriers des ESAT !!!

Thiefaine soulève en effet cette question : la personne handicapée en ESAT, peut-elle être orientée vers le milieu ordinaire ?
D’après ce que j’ai pu lire, la réponse est oui… mais il semble en effet y avoir quelques ambiguïtés !

On peut lire dans les mots clés qui figurent en en-tête de la circulaire de la DGAS du 1er Août 2008 relative aux établissements et services d’aide par le travail et aux personnes handicapées qui y sont accueillies ceci :
formation professionnelle continue ; contractualisation ; passerelles entre travail protégé, entreprises adaptées et milieu ordinaire de travail
Donc, en théorie, ces passerelles existent, et sont même recommandées par la loi de février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées.
C’est ainsi que (article 5-1) : La nouvelle réglementation comporte une avancée importante pour le secteur du travail protégé en prévoyant la compensation par l’Etat des charges liées à la participation de l’établissement ou du service d’aide par le travail au financement de la formation professionnelle continue des travailleurs handicapés
et que La loi n° 2005-102 du 11 février 2005 a confirmé la possibilité pour les travailleurs handicapés admis en ESAT d’être mis à disposition d’une entreprise, d’une collectivité publique ou de tout autre organisme afin d’exercer une activité à l’extérieur de l’ESAT, en précisant qu’Il ne saurait être admis en effet qu’une personne handicapée faisant l’objet d’une orientation vers le travail protégé exerce de fait et sur une longue période une activité professionnelle en milieu ordinaire de travail. La durée de cette mise à disposition ne peut donc excéder 2 ans.
Ou alors (article 5-2), c’est qu’il s’agit d’une modification du statut du travailleur handicapé, qui pourrait par exemple intégrer une entreprise adaptée. Dans ce cas, les personnes handicapées, doivent, conformément à la réglementation en vigueur, faire l’objet d’une décision de réorientation « vers le marché du travail » par la commission des droits et de l’autonomie.
Une réorientation qui s’accompagne du versement des aides de l’Etat prévues par l’arrêté du 9 février 2006, et qui ouvre droit à l’aide forfaitaire au recrutement des personnes handicapées sortant d’ESAT versée par l’AGEFIPH pendant un an, laquelle est prévue par la convention ETAT-AGEFIPH du 18 février 2008.

Voilà pour les principes.
Si je résume : un travailleur en ESAT est orienté vers ce type d’établissement en fonction de la lourdeur de son handicap.
Il peut éventuellement en sortir, vers un établissemnt adapté, avec une double aide de l’Etat et de l’AGEFIPH, cette dernière ne durant qu’un an.
Si le travailleur handicapé rejoint le milieu ordinaire, il n’y a plus d’aide après cette année.
Les passerelles existent bien, mais elles sont très encadrées et limitées.

Des limitations que dénonce le site ANDICAT, en particulier dans ces deux lettres : Questions à Monsieur Thierry BOULISSIERE – DGAS et Emplois protégés : aides à l’emploi liées à la lourdeur du handicap (cette dernière adressée à Mme Lagarde, au premier ministre, à tous les parlementaires, monsieur le délégué interministériel, à la DGAS, à Monsieur Xavier Bertrand, et toutes les revues spécialisées).
Je vous laisse lire toutes les interrogations suscitées par les dernières réformes, mais j’en retire quelques extraits :
¤ de la première :
La limitation à 2 ans de la durée de contrats de mise à disposition individuelle n’a pas l’aval d’ANDICAT. En effet, un travailleur handicapé peut avoir une productivité trop faible pour être recruté par une entreprise et par ailleurs, bénéficier d’un travail en milieu ordinaire tout en étant rattaché à l’ESAT.
Une intégration en milieu ordinaire qui semble donc se révéler plus difficile qu’avant….
Le problème reste entier et grave pour ceux des travailleurs handicapés déjà embauchés en milieu ordinaire ou capables de l’être, grâce aux aides à l’emploi [...] Il y a lieu de penser que plutôt qu’une intégration professionnelle en milieu ordinaire qui serait favorisée par la loi de 2005, on se trouverait bien au contraire, [...] dans la situation d’un maintien définitif en ESAT.
No coment !
¤ de la seconde :
En effet, pour résoudre les problèmes, il y est fait allusion à l’aide nouvelle de l’AGEFIPH d’une durée d’une année pour faciliter le recrutement de travailleurs handicapés par les entreprises. Or cette aide n’est pas pérenne et elle n’assure absolument pas la reconnaissance ultérieure par la DDTEFP de la lourdeur du handicap. Elle ne sera donc pas utilisée par les employeurs éventuels.
Ce qui devrait être une aide se transforme donc en barrage… Et ANDICAT enfonce le clou :
Par ailleurs, cette aide ne concerne absolument pas les 6000 travailleurs handicapés (avec profil ESAT) qui sont en poste depuis plusieurs années et parfaitement intégrés dans les entreprises.
Ce qui signe un véritable recul, et non une avancée.
ANDICAT qui conclut ainsi sa lettre : Que faut-il faire pour empêcher qu’une loi (celle de 2005 censée promouvoir l’intégration des personnes handicapées) produise exactement l’effet inverse ?
Tout est dit !

En résumé, il y a loin de la coupe aux lèvres, et le chemin est long, entre les bonnes intentions et leur mise en application.
Ou, comme le dit le dicton populaire, l’enfer est pavé de bonnes intentions !!!

Voilà qui mérite une réédition du dessin de Pancho :

accès à l'emploi pour les handicapés : le parcours du combattant

En tout cas, Thiefaine, pour vous répondre : oui, il y a ambiguïté, voire contradiction…
Et l’on peut comprendre la frilosité des ESAT dans ce domaine !

A suivre un petit résumé d’une excellente analyse du Contrat de Soutien et d’Aide par le Travail, réalisée par Olivier POINSOT, Juriste d’entreprise.

A lire ou relire :
¤ Handicap, travail, rémunérations, AAH, revenus – réflexions et réactions
¤ Alerte dans les ESAT


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