Les politiques de l’exclusion : apanage de Sarkozy ?

Je réponds ici au commentaire de Janine (qui venait en réponse aussi à cet article : Conférence Nationale sur le Handicap : emplâtre sur jambe de bois ?), et me suis dit que le propos valait un article… tant les réflexions se sont soudain bousculées dans ma tête.

Je commençais donc par corriger ce qui aurait pu apparaître comme une citation : « Elle est la preuve (comme l’écrit Bisane) que, pour être court sur pattes, notre petit tyran de président arrive à semer la zizanie chez nous », en précisant que je ne me suis jamais permis, et espère que je ne me permettrai jamais, de moquerie sur le physique de Notre Seigneur. Parce que cela ne coïncide pas avec mon éthique d’abord, mais surtout parce que l’essentiel me semble être ailleurs.
Mon propos ne consiste pas en une critique de celui de Janine (mots pour maux), dont je comprends la colère et le combat, mais je ne suis pas dans la même position, et je me situe ailleurs.
Nous sommes donc complémentaires, en quelque sorte !

Mais cette première réaction en a généré d’autres, que je vous soumets.
La petite mise au point était utile pour ma petite personne.
Les réflexions qui suivent sont plus générales, et il me semble qu’il n’est pas inutile de poser autrement les termes du débat.

La première qui m’est venue est la suivante : pourquoi un tel acharnement sur Nicolas Sarkozy ?
Je ne parle pas de l’acharnement sur le bling-bling, la starisation (selon Fillon !!! parce qu’il savait pas, le pôvre, de qui il serait le ministre !), l’omniprésence dans les médias (bien qu’elle m’inquiète, comme tant d’autres, sur la démocratie).
Je parle de l’acharnement sur sa politique, voulue, annoncée, affichée, définie, et dont il se prévaut que 53% des français ont voté pour elle (passons sur les batailles du genre -non que je les trouve inutiles, mais parce qu’elles sont suffisamment relayées- : 53% des votants sont assez loin des 53% de français, et ne constituent en aucun cas un blanc-seing).
Je ne vais pas non plus vous faire une diatribe sur le fait que sans doute un grand nombre des français qui ont voté pour lui n’ont en aucun cas évalué les conséquences de ce pour quoi ils avaient voté, au-delà du slogan.

Le travailler plus pour gagner plus est à cet égard non seulement emblématique, mais exemplaire… au moins sur deux points.
Parce que d’une part il est à parier que nombre de votants n’ont entendu que le gagner plus… qui devenait de plus en plus urgent. Il en est beaucoup qui doivent se demander quand ça va arriver !
D’autre part parce que certains ont entendu l’essentiel : le travailler plus. Donc la possibilité de mieux exploiter la force de travail de l’autre.
Un retour quelques décennies ou siècles en arrière, où le journalier se vendait à l’heure, où le serf vendait sa force de travail.

Nicolas Sarkozy sait à merveille user du slogan, souvent percutant.
Mais qu’en est-il au-delà du slogan ?
Qui s’est véritablement élevé contre cette mesure, qui l’a dénoncée, qui en a fait l’analyse ?
Quelques-uns, bien sûr, l’ont décortiquée. Qui a pu faire entendre toutes ses conséquences ?
Les syndicats, un peu… Quelques associations ont essayé… La Gauche a mollement dénoncé.
Nous voilà au pied du mur, et tout le monde s’indigne.
Parce que, derrière le slogan, se profilait de manière évidente la dérèglementation du droit du travail, la porte ouverte à quelques abus, le ré-équilibrage des forces en faveur des employeurs, seuls véritables créateurs de richesse et de PIB. En oubliant (?) au passage qu’un employeur ne serait pas grand choses sans employés, un chef d’entreprise sans salariés, un actionnaire sans travailleurs… et que l’employé en question n’a, lui, guère le choix !

Mais c’est là que je veux en venir…
Les mesures iniques, remettant en cause de plus en plus profondément la solidarité de la société française, héritée de l’après-guerre, se multiplient… depuis des années !
Les mesures diminuant les vertus solidaires de la Sécurité Sociale, tant en termes de retraites que de santé, se multiplient depuis des lustres.
Les handicapés, depuis la décisions de leur indemnisation, n’ont guère vu leur situation évoluer favorablement.
Les mesures concernant les exclus du travail se sont empilées et multipliées, avec des résultats plus ou moins probants…
Bref, je ne vais pas vous faire un historique, d’autant que je serai sans doute rapidement limitée en termes de dates et de références…

Reste que Nicolas Sarkozy est, c’est selon, porté au pinacle, ou affublé de tous les maux.
Mais est-il le seul responsable ?

Je suis lasse pour ma part des « N.S. a dit ceci », « N.S. a fait cela », « N.S. a annoncé que »…
En dehors de quelques effets d’annonce sans lendemains (cf. Gandrange, la mémoire de la Shoah, et quelques autres), de quelques voeux pieux sur la moralisation du capitalisme et des marchés financiers, il applique son programme.
Peut-on le lui reprocher ?
Son parti a réagi sur quelques broutilles.
L’opposition s’élève contre certaines mesures.
Les syndicats tentent de s’opposer à quelques remises en cause fondamentales, en espérant sauver quelques miettes.
Les associations espèrent sauver quelques revendications essentielles en ne sauvant que les leurs.

Ce qui est est étonnant dans cette affaire, c’est qu’il s’agit bien d’une idéologie, loin d’être portée par le seul Nicolas Sarkozy, d’un choix de société, d’une idée d’à-venir… ou comme l’a dénommé notre cher président (en étroite complicité avec Henri Guaino et quelques autres), un choix de civilisation.
Qui repose essentiellement sur le mérite individuel, avec sa cohorte de relations, passe-droits, influences diverses, pouvoir financier, moral ou politique.

Or Nicolas Sarkozy enfonce le clou, du libéralisme, du capitalisme, de l’industrie (indispensable à l’économie de la France), de la dérèglementation du marché du travail… et j’en passe. Tout en remettant en cause les équilibres qui ont fait de l’économie française l’une des plus performantes en termes de rentabilité et de productivité, contrairement à ce que l’on nous serine trop souvent.
Il enfonce également celui de l’exclusion, de la stigmatisation, de la soit-disant responsabilisation, et par voie de conséquence celui du contrôle, et des chasses de toutes sortes (aux fraudeurs, aux sans-papiers, aux assistés de tous poils…).
Les bénéficiaires de niches fiscales, tout comme ceux qui échappent au fisc grâce aux paradis fiscaux par des moyens plus ou moins douteux, ont quant à eux de beaux jours devant eux…
Il est vrai qu’il est plus facile de persécuter un chômeur malade qu’un grand magnat de la finance !

Nicolas Sarkozy. Certes !
Mais peut-il être tenu pour seul responsable ?
Pourrait-il mener cette politique discriminatoire sans l’appui d’un parti majoritaire, des hommes et des femmes qui le composent, et de leurs électeurs ?
Pourrait-il mettre en oeuvre des mesures iniques sans le zèle d’un gouvernement, et de ses ministres, en tous points exemplaire, de Bertrand à Dati, en passant par Pécresse, Darcos, Wauquiez, Albanel, et leur grand chef d’orchestre, Fillon ?
Pourrait-il enfin dérouler aussi impunément son programme sans l’aide inattendue d’une gauche divisée et en quête d’identité, devenue inaudible ? Sans la participation plus ou moins involontaire de syndicats qui se cherchent, et tâtonnent à la recherche d’une représentativité et d’une légitimité improbables ? Sans le silence assourdissant, enfin, et en tout cas les protestations par trop éparpillées, des associations et autres ONG, qui s’indignent en ordre dispersé ?
Et, bien sûr, ne parlons pas des médias…
Ce qui s’est passé pour la Grève des sans-papiers est à cet égard très parlant…

Tout ça pour dire que si Nicolas Sarkozy est bien évidemment responsable de cette politique, et en premier lieu, puisque Président de la République, il est loin d’être le seul !!!
Il me semble qu’il ne faudrait pas tomber dans le panneau de la personnalisation à outrance, quand bien-même Il l’aurait voulue et assumée.
Car en raisonnant ainsi, le risque est grand d’agir comme lui. Pour lutter contre ses idées, est-il indispensable de stigmatiser la personne, de critiquer son bling-bling, de se moquer ? En fera-t-on un bouc-émissaire, plutôt que de se livrer à une critique (au sens le plus noble du terme) de ses idées, et de l’idéologie sous-jacente ?
Une idéologie qui est dans l’air du temps, et pas seulement en France, au nom de l’efficacité économique et de la modernité…

Je ne suis pas une férue d’histoire, mais il me semble que ce type d’idéologie n’est pas neuf, et qu’il est au contraire récurrent dans l’évolution de l’humanité.
Un homme seul ne peut en être responsable !

Or ce qui est certain, c’est que Nicolas Sarkozy est un excellent communicateur, et qu’il manie à merveille la petite phrase et l’effet d’annonce.
A une époque où l’information (?) va vite et ne prend pas le temps de l’analyse, il est difficile de faire entendre d’autres voix(es), et l’oeuvre de pédagogie est longue et difficile.
Il me semble cependant que cette dernière ne pourra se faire entendre que dans un minimum d’unité, en pointant les tenants et aboutissants d’une politique donnée, et ses fondements quasi dogmatiques.
Car une petite phrase n’est rien, sans terreau idéologique, ou si elle est prononcée hors d’une atmosphère propice…

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