Un système de santé viable ?

Vous aurez remarqué que la santé est un thème un peu obsessionnel sur ce blog…

Parce qu’au même titre que quelques autres services publics fondamentaux (éducation, recherche, justice…), la politique de santé me semble être un des ciments essentiels du choix de société qui s’offre à nous : plus de précarisation et la multiplication des gouffres sociaux, ou la pérennisation d’une idée de solidarité, du vivre ensemble, qui permet qu’une société devienne une civilisation, et que ses valeurs puissent se répandre.

Notre bon Nicolas s’était, en temps de campagnes, élevé contre la pensée unique, et s’était présenté comme son pourfendeur…
Zorro est bien arrivé, il est bien installé, mais pour ce qui est de la pensée unique de l’économie de marché, du libéralisme (de plus en plus mal nommé), du capitalisme (dont il condamne pourtant les dérives… mais, je vous assure ! Il souhaite même une certaine dose de régulation, pour qu’il soit moralisé. Le maniement de l’art du paradoxe par Notre Seigneur doit rendre jaloux Machiavel soi-même ! Et donner des désirs de réincarnation à Confucius…), il s’en est fait le meilleur VRP !

Mais bref !
Je ne voulais pas me lancer dans une énième diatribe contre notre cher omniprésent… qui doit quand-même se poser quelques questions sur sa présidence européenne…

Mon propos revenait donc, radotatinement (c’est joli, non ?), sur la santé et sa politique, c’est à dire sur les choix qui s’offrent à nous…

Des choix qui, comme dans bien d’autres domaines (emploi, économie, éducation, services public, environnement… bref RGPP et droit du travail, essentiellement) nous sont trop souvent présentés comme inéluctables, dictés par les lois du marché et de la mondialisation.
Il est donc inévitable que la masse des précaires grossisse, tandis que les plus riches des riches empochent des dividendes sidéraux… et sidérants.

Sauf qu’on ne sait guère ce à quoi nous conduira cette course au profit, à la rentabilité, au rendement immédiat.
Enfin, on sait déjà que ses acteurs vivent en ce moment un terrible doute existentiel…
Et que notre bonne vieille planète ne tiendra pas longtemps à ce rythme-là.
Mais on sait surtout que cette appréhension exclusivement économique et soit-disant rentable de la question de la santé publique a conduit à des catastrophes, et coûte bien plus cher que prévu. Parce que les économies à la petite semaine dans ces domaines-là rendent parfois les fins de mois très difficiles ! (voir les bienfaits des dépenses sociales).

Après de nombreux articles sur la sécu, l’assurance maladie, le système de soins, les franchises médicales, la dernière péripétie à propos des ALD, je tombe sur cet article, que je vous conseille vivement de lire : Vers une santé « marchandise » ?, et qui m’a inspiré la suite :

Je viens de lire cet article, intéressant et bien renseigné, mais il ne me semble pas inutile d’élargir le débat…
Il semble en effet que le désir de marchandisation de la santé soit bien plus global, et nullement imposé ou insufflé par la Commission Européenne…
Surtout compte tenu du fléau annoncé du vieillissement de la population

C’est en particulier vrai de l’hôpital d’une part, de l’assurance maladie d’autre part.

De l’hôpital, parce qu’il lui est de plus en plus demandé de raisonner en termes de rentabilité, au mépris parfois du soin. Parce que d’autre part il est mis en concurrence (du fait de la tarification à l’acte) avec le secteur privé. Une concurrence par essence déloyale, parce qu’oubliant au passage les missions de service public…

Deux chiffres éloquents à cet égard :
- la part de coûts de l’hôpital a diminué dans les dépenses d’assurance maladie de 42,1 % à 34,5 %entre 1980 et 2003
- le déficit programmé des hôpitaux dépasse les 350 millions d’euros, alors que la Générale de Santé, qui possède 180 cliniques privées, a versé 420 millions d’euros à ses actionnaires.
(voir Sauver l’hôpital public – appel)

De l’assurance maladie d’autre part, parce que la tentation semble de plus en plus grande de se diriger vers des assurances privées, plutôt que vers la sécurité sociale…
Le gouvernement a déjà instauré des franchises multiples, et les gouvernements successifs ont multiplié les déremboursements… auxquels échappent ceux qui ont les moyens de se payer une assurance complémentaire digne de ce nom (vous savez, de celles qui vous remboursent même les prothèses dentaires…).
Or cette orientation introduit non seulement des inégalités dans l’accès aux soins, mais a toutes les chances de se révéler bien plus coûteuse pour tous !
(voir Vertus de l’économie de marché et assurance maladie)

La convergence de ces 2 phénomènes, plus celui décrit dans l’article mis en exergue, ainsi que bien d’autres (lobbying des industries pharmaceutiques, développement des dépassements d’honoraires, tentation d’embaucher sous contrat privé avec intéressement…), indique bien en effet la progression de la conception de la maladie comme une marchandise… au mépris de l’humain. Et avec des coûts en termes de santé publique, et plus largement de lien social, difficiles à évaluer à long terme, mais qui risquent de se révéler énormes et désastreux.

Sauver l’hôpital public et l’assurance maladie ne sont pas un combat d’arrière garde.
Ils sont au contraire un choix de société qui déterminera notre vivre ensemble de demain… ou laissera de plus en plus de personnes sur le bord de la route, ou dans le fossé.

Tandis que d’autres créeront des fortunes.
Car comment expliquer autrement l’engouement des fonds d’investissement pour le domaine de la santé ?

dépenses de santé

PS : Pour la radoticination, merci de vous reporter aux tags et autres catégories…

Edité le 04/07/2008 :
- un bon article de propositions : Le mythe du « déficit » de la Sécurité sociale
- petite page de synthèse sur actuchomage : Santé : nouveau plan de rigueur en vue


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