La réforme du crédit à la consommation vu par Mme Lagarde… un revolver désarmé ?

Vous vous interrogez sur le titre ?
Moi aussi, parce qu’à l’aune des différentes associations de consommateurs, je continue à rester très sceptique sur les effets potentiels des propositions actuelles… et c’est peu dire !!!
Et que le crédit renouvelable (mieux nommé, parce que plus évocateur, revolving) est une arme puissante et trop souvent destructrice. Ce n’est pas pour rien que certains le re-nomment le crédit revolver…

Toujours est-il que notre Ministre de l’Economie et des Finances, Christine Lagarde, s’est intéressé de près au problème, et va même proposer une loi, qui sera examinée en Conseil des Ministres la semaine prochaine (le 22 Avril).
Un projet qui semble bien vide : hormis l’interdiction de la publicité, et l’obligation d’une mention mettant en garde les utilisateurs-consommateurs sur la nécessité de rembourser (!). Le paysage du crédit à la consommation ne va pas fondamentalement changer, si ce projet est adopté ! Ce qui, au passage, sous la pression des lobbies bancaires, n’est pas gagné ! Plusieurs projets ont en effet déjà avorté, avant même que l’on en parle…
J’avais déjà un peu évoqué le sujet dans cet article : Radio Crésus et autres actus du crédit à la consommation

Mais Mme Lagarde, comme elle a pu être persuadée que la récession ne toucherait pas la France, est tout autant persuadée que son projet de loi va mieux protéger les consommateurs. C’est en tout cas ce qu’elle affirme et répète au cours de l’émission (mal nommée…) Service Public, sur France Inter, le 9 Avril 2009, ainsi titrée : Faut-il aller plus loin dans la réforme du crédit à la consommation.
Ce dont semblent beaucoup moins certaines les autres personnes présentes sur le plateau (Alain Bazot, Président de l’association UFC Que Choisir, et Reine Claude Mader, présidente de l’association CLCV), ainsi que Philippe Flores (conseiller référendaire à la cour de cassation, juge spécialiste de la consommation), au téléphone.

Je ne rentre pas dans le détail du texte, dont vous pouvez retrouver les liens en bas d’article.
Certaines réponses de Mme Lagarde me semblent cependant à retenir… et à ne pas oublier (le timing donné est approximatif) :
- éviter et les excès et las abus (3’30)
- parlant des publicités : on ne les verra plus sous cette forme là (4’20)… Gageons que les publicitaires trouveront quelques moyens de contourner les restrictions !
- Mme Lagarde conseille ensuite de saisir la Commission de Surendettement pour pallier les harcèlements divers et variés, et les suites juridiques, d’un abus de crédit (22’10). Mme Lagarde est-elle au courant des délais (et donc de la dette qui augmente au jour le jour !) qui courent entre le dépôt d’un dossier et les mesures qui peuvent s’en suivre si le dossier est jugé recevable ?
Mme Mader lui répond en demandant que la date prise en compte soit celle de l’accusé de réception de la demande (22’53), et parle de système vicié… (24’10) Laquelle évoque aussi, et dénonce, auparavant, la rémunération des courtiers et vendeurs divers (10’30).
Mr Bazot, quant à lui, insiste sur le fait qu’il est impossible d’accéder à d’autres crédits ! (26’20)
- je passe sur l’amortissement, déjà évoqué dans le précédent article…
Mr Bazot, lui, précise que le diable est dans le détail (12’34).
- je passe aussi sur les propos sur la Commission Bancaire, et encore plus sur celui de la DGCCRF (Direction Générale de la Concurrence de la Consommation et de la Répression des Fraudes), qui se plaint d’être réduite à l’impuissance ! (13’20) [voir DGCCRF : vers le démantèlement de la protection des consommateurs]
- et les bons mots tels que s’assurer que les plus fragiles, les plus précarisés, sont protégés ne suffiront pas à lever le(s) doute(s)…
- d’autant que parallèlement Mme Mader souligne la possibilité qui va être offerte aux cartes débit (la carte bancaire « normale ») d’y associer un crédit renouvelable (43’20), en concluant ainsi : à force de vouloir faciliter la vie des gens, on finit par les prendre dans une espèce de toile d’araignée, et ils ne savent plus comment s’en sortir… Puisque nous n’avons pas les mêmes « devoirs de réserve » que cette dame, on pourrait traduire le début de la phrase par « sous prétexte de » ! Car qui souhaiterait légiférer contre « faciliter la vie des gens » ? Sauf que parfois ça la complique, et justement du fait du manque de transparence, voire l’opacité, et en tout cas le manque d’information, de ces agissements purement commerciaux, dont on me permettra de douter de leur versant altruiste…

Restent les témoignages, aussi hallucinants que tous ceux qui figurent dans ce blog…
Au-delà du fait qu’Isabelle Giordano, particulièrement cafouilleuse à cette occasion, et mal renseignée, parle de l’Association Crésus comme si elle n’existait qu’à La Rochelle (si vous êtes concerné(e), de près ou de loin, n’oubliez pas radio Crésus !), ils sont exemplaires !

¤ Ainsi de cette dame (14’45), qui parle de perte de revenus, et de ne plus pouvoir assumer les crédits en cours… dont 5 crédits revolving… pardon, renouvelables !
Elle précise : les taux avancés ne sont pas réellement les taus appliqués. Ah bon ? Ne parlons même pas de la durée…

¤ La suivante, elle s’est totalement fait piégée, et assume (16’25) : je pense que je suis la première responsable. Elle parle également d’engrenage, comme je titrais l’un de mes articles : Crédit Revolving : l’engrenage.
Elle précise cependant deux aspects :
- les sociétés de crédit ne font rien pour aider les gens, au contraire. Ils vous augmentent vos réserves… (16’40)
- et que sa banque (16’49), comme celle d’Arthur, lui a malgré tout (et alors que plaider l’ignorance de leur part semble parfaitement invraisemblable !!!) accordé un prêt personnel !!! (16’50) [voir chronique d'un surendettement : épisode 4 et épisode 18]
La boucle est bouclée, comme pour Arthur : recours à d’autres prêts et réserves disponibles (donc toujours du revolving) pour assumer les mensualités… jusqu’à ce que ça ne tourne plus du tout, et que la machine s’enraye complètement !
La suite n’est que trop prévisible et connue des surendettés : arrêt des prélèvements, retards, harcèlements de la part des organismes de crédit, puis des services contentieux, puis des huissiers mandatés…
La dame parle, de façon très détachée, de suicide…. (18’01)
Je m’étends un peu sur cet exemple, car il est aussi parlant que celui d’Arthur, et de tous les autres. Exemplaire et bien (atrocement !) résumé…
Merci au passage à Julien Dugast pour son tact et son écoute !

¤ La dernière est pas mal non plus ! (17’56) Elle entame en effet ainsi son témoignage : J’ai cinq crédits revolving, qui me permettent de faire face aux échéances et à la vie courante.
Elle poursuit : c’est cette formule de revolving qui nous amène vers une spirale dont on ne peut pas se sortir par rapport à tous les intérêts que l’on rembourse, qui grossissent au fur et à mesure des années…. Je précise : sans que le capital emprunté soit pour autant remboursé.

Enfin, tout à la fin de l’émission, un ancien employé du revolving (51′) dit textuellement : automatiquement on leur relevait le plafond [du crédit, NDLR], sans demander aucun justificatif.
Alors qu’une avocate précise, elle, puisque les crédits revolving pratiquent des taus excessifs et irremboursables

Je persiste et signe, je ne crois pas du tout que le projet de loi puisse changer quelque chose à ce genre de situation…
En répétant aussi que comme les défauts de remboursement restent très largement minoritaires (heureusement !), les garde-fous restent, quant à eux, très (trop !) succincts…
Et alors que la crise actuelle risque fort de se révéler, pour les précaires comme pour les autres, une véritable bombe à retardement !
Car le système tient souvent à un fil, et que l’on se rend souvent compte de l’extrême fragilité de celui-ci avec le premier incident de paiement (de remboursement). Le piège alors se referme à une vitesse inouïe ! Et souvent dramatique.

A lire :

* UFC :
¤ Fidélité et revolving – La liaison dangereuse continue !
¤ Distribution de crédit à la consommation en France – Face à la fabrique de malendettement, 5 propositions concrètes !
¤ Enquête sur l’offre de crédit à la consommation – Quand le mauvais crédit chasse le bon !

* CLCV :
¤ Encadrement du crédit – Le gouvernement doit aller plus loin !

* Ministère :
¤ Synthèse des observations des associations et réponses du gouvernement
¤ Réunion de concertation avec les associations de consommateurs sur la réforme du crédit à la consommation, et le dossier de presse

¤ et, puisqu’il est cité, le bouquin (j’ai pas, lu, hein, je ne re- ou dé- commande pas :
D’autres vies que la mienne – Emmanuel Carrère

D'autres vies que la mienne - Emmanuel Carrère
Merci à Likoma pour l’image… mais impossible d’avoir un lien direct !
éditions POL

Et je crois que je vais l’acheter, ne serait-ce que pour rêver de cette « autre vie » !!!

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